En quelques jours, l’affaire du déjeuner entre François Fillon et Jean-Pierre Jouyet s’est transformée en une nouvelle affaire d’État, illustrant une fois encore la connivence entre la droite et la gauche et le fonctionnement opaque de l’État. Et encore une fois, Marine Le Pen est en embuscade, alors qu’elle est loin d’être différente de ceux qu’elle prétend dénoncer.
Jouyet, l’actuel secrétaire général de l’Élysée, bras droit et ami de Hollande... et aussi ancien ministre de Fillon, vient d’être pris en flagrant délit de mensonge. Il crée ainsi une nouvelle affaire d’État, fragilisant encore un peu plus Hollande. Confirmant aujourd’hui, après avoir dit l’inverse peu de temps avant, que Fillon lui avait bien demandé de faire en sorte que la justice accélère les procédures judiciaires contre Sarkozy, il valide ainsi les propos que lui prêtent deux journalistes du Monde.
Tambouille politiqueQu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux dans cette affaire, qui a manipulé qui, contre qui et au service de qui ? Au final peu importe. Dans cette nouvelle affaire, on ne retiendra globalement qu’une affaire d’intrigues de palais comme la Ve République en a connu tant et tant dans le passé des prédécesseurs de Hollande.Au passage, cette nouvelle affaire permet à Sarkozy de se remettre en selle, lui la victime qui ne se prive pas pour dénoncer les méthodes de l’exécutif : « Les révélations du week-end dernier me renforcent dans cette certitude, dans la conviction qu’il nous faut tourner la page de ces feuilletons écœurants où l’on veut abattre un concurrent ou un adversaire en le salissant ; c’est le contraire de l’idéal républicain ». C’est un expert qui parle...Cerise sur le gâteau, cela lui permet de développer sa fameuse thèse : il est la pauvre victime d’un acharnement judiciaire. « Le pouvoir n’a-t-il vraiment rien d’autre à faire que de donner le sentiment de vouloir instrumentaliser en permanence la justice de la République ? »... voulant ainsi faire oublier qu’il est toujours sous le coup d’une mise en examen pour corruption active !
Discrédit généralCette nouvelle affaire montre une fois encore que la Ve République et « la République exemplaire » voulu par certains sont bel et bien incompatibles. Le déjeuner de Jouyet-Fillon accélère une crise politique sans précédent conjointement à la crise économique et sociale. Le discrédit des partis institutionnels, incapables de juguler la crise et qui imposent restrictions et sacrifices, est général.Mais en embuscade, le FN est là, attendant patiemment son tour. Pourtant, le FN fait bien partie du même monde que ceux qu’il prétend dénoncer. Une fois au pouvoir, petit ou grand, ils ne servent les intérêts que des classes dominantes comme on en a la preuve avec certains maires FN qui une fois élus, votent l’augmentation de leurs revenus... Cette Ve République est complètement disqualifiée. Il y a urgence à imposer une rupture politique radicale.
Rupture urgentePour commencer, il est urgent de refonder un système démocratique, qui institue, constitue de nouvelles règles, de nouvelles lois, qui permettent la démocratie du bas vers le haut, à l’inverse des pratiques actuelles. Tant que la représentation politique restera dans les mains de quelques-unEs, celle-ci restera un métier dans lequel les beaux parleurs se bousculeront toujours pour faire carrière.Il est aussi temps de déprofessionnaliser la politique ; interdiction du cumul des mandats ; interdiction de faire plus de deux ou trois mandats au cours sa vie pour reprendre son travail et laisser la place à d’autres ; fixation du revenu des éluEs à la hauteur du salaire moyen de la population, car il n’y a aucune raison que des mandatés gagnent plus que ceux et celles qu’ils représentent ; révocabilité des élus : une proportion d’électeurs doit pouvoir convoquer un nouveau suffrage s’ils pensent que le mandat a été trahi ; désignation d’exécutifs représentant réellement les assemblées élues, etc. Il faut instituer la transparence intégrale sur les comptes publics et imposer quelques mesures phares : annuler la dette afin que les pouvoirs publics ne soient plus otages de la dictature des marchés financiers, lever les secrets bancaires, commerciaux ou industriels, supprimer les paradis fiscaux afin que l’argent volé soit enfin réinvesti au service de tous...Mais soyons sûrs d’une chose : de cela, entre la poire et le fromage, Fillon et Jouyet n’en ont certainement pas parlé...
Sandra Demarcq