Publié le Mercredi 4 avril 2012 à 17h16.

La crise et l’insécurité sociale restent au cœur de la campagne

Malgré les efforts de Sarkozy et Le Pen pour que la campagne tourne autour de l’insécurité, la crise reste la préoccupation principale des Français.La tuerie de Toulouse aura-t-elle été un tournant décisif de la campagne ? Le FN et l’UMP l’espèrent évidemment. Et pendant que Marine Le Pen mettait le paquet dans l’abjection, Sarkozy en a encore rajouté sur le danger des « vagues migratoires incontrôlées » et la démagogie sécuritaire. L’effet Mohammed Merha risquait de s’atténuer ? Envoyons la police nous arrêter au petit matin quelques salafistes excités. Prière de choisir ceux qui ont la plus longue barbe, ça passe mieux à la télé ! Quant au PS, inquiet, il a fait le dos rond, reniant comme toujours tout courage politique. Il s’est même donné le ridicule de jouer au « plus sécuritaire que Sarkozy ».

Pourtant, même si Sarkozy continue de grappiller des points dans les sondages, la magouille ne semble pas si bien marcher. Car la crise sociale reste la préoccupation essentielle de la majorité de la population. Les Echos livraient un sondage assez significatif le 28 mars dernier. À la question : « de quoi les candidats devraient-ils se préoccuper en priorité ? », 52 % des sondés répondent l’emploi, 42 % le pouvoir d’achat, 27 % la santé publique, et seulement 24 % la dette et les déficits, 23 % l’insécurité, et 11 % l’immigration. Fait intéressant : beaucoup relèvent bien que certains prennent soin de noyer le poisson de la crise et de la catastrophe sociale en cours, puisque, à la question « de quoi parle-t-on pendant cette campagne ? », 32 % disent la dette, 32 % l’insécurité, 25 % l’immigration… Commentaire du journal patronal : « Malgré l’indignation suscitée par la tuerie de Toulouse, les Français ne souhaitent pas que l’insécurité et l’immigration deviennent les sujets majeurs de la campagne présidentielle. »

La progression incontestable de Mélenchon dans tous les sondages… et toutes les conversations, témoigne également de cette tendance de fond. C’est le reflet d’une révolte sociale, et aussi, en partie, la défiance envers la « gauche molle » de Hollande.

Mais ne nous rassurons pas trop vite. La crise ne suscite pas mécaniquement le développement d’une conscience anticapitaliste. Elle suscite beaucoup de désarroi et de fatalisme dans les classes populaires. Chez ceux qui se croient des « classes moyennes qui donnent plus qu’elles ne reçoivent », elle favorise des sentiments réactionnaires contre les chômeurs et les immigrés. Cela au nom du « trop de social tue la France » que brandit la droite et que conforte le PS en affirmant qu’il ne peut rien promettre. Rappelons-nous la leçon de 2007 : à la question sociale, il y a aussi des « réponses » de droite et d’extrême droite.

Contre la démagogie raciste et sécuritaire, il faut donc rester offensifs. Sur le terrain social, il faut plus que jamais marteler nos réponses radicales à la crise. L’insécurité sociale pour la majorité de la population, alors que les capitalistes, seuls responsables de la crise, sont les seuls à ne pas la payer, ça suffit. 

La crise continue, s’aggrave, et inévitablement se rappelle à cette campagne. Malgré l’impayable « baisse tendancielle de l’augmentation du chômage » de Sarkozy, il y a 1 000 chômeurs de plus par jour, toutes catégories confondues. L’actualité en Europe elle-même est à la fois un avertissement et un encouragement. En Grèce, au Portugal, maintenant en Espagne, des attaques sociales inouïes ont lieu. Mais les peuples et les travailleurs ne se laissent pas non plus faire, comme en témoigne encore l’immense succès de la journée de grève générale espagnole la semaine dernière.

À nous donc de réinviter la crise dans la campagne.

Yann Cézard