Après le passage en force du gouvernement à l’Assemblée nationale et malgré la mobilisation massive qui dure depuis plus de trois mois, le projet de loi El Khomri a poursuivi son chemin parlementaire au Sénat, à majorité Les Républicains, où il sera voté le 28 juin.
Du 13 au 17 juin, les sénateurs ont principalement examiné l’article 2 qui porte sur la durée du travail et donne dans ce domaine la priorité à l’accord d’entreprise en inversant la hiérarchie des normes. La mise à mort du principe de faveur a été confirmée. Les sénateurs ont rejeté en bloc tous les amendements communistes. Sur ce point donc, le PS et les Républicains sont sans surprise tombés d’accord. El Khomri n’avait cependant pas osé retirer du code du travail la fixation de la durée hebdomadaire de travail à 35 heures : le Sénat franchit cette limite et a adopté l’article 2 en le durcissant, supprimant les 35 heures du domaine de la loi et renvoyant à la négociation d’entreprise le soin de définir la durée du travail.
Dans les autres domaines, les sénateurs se sont fait plaisir. Un nouveau contrat précaire voit le jour, le « contrat à durée déterminée à objet défini » d’une durée de 18 à 48 mois. C’est la version recyclée et élargie d’un contrat auparavant réservé aux ingénieurs et cadres et qui pourrait désormais être utilisé à toutes les sauces et sans accord collectif préalable.
Le PS et le gouvernement crient au loup...
Autre régression majeure qui donne à voir les fantasmes des notables de cette assemblée : les délégués du personnel ne seraient plus mis en place qu’à partir de 20 salariéEs. Quant au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ils ne seraient plus obligatoires qu’à partir de 100 salariéEs. Comme si la loi Rebsamen, qui autorise les fusions d’instance et réduit les moyens des représentants du personnel, n’avait pas déjà largement entamé les droits des salariés dans ce domaine...
La justification de toutes ces régressions est exactement la même que celle qu’a employée le PS pour faire passer sa loi à coups de matraque et de 49-3 : il faut répondre à la prétendue « peur de l’embauche » des employeurs en leur permettant de nous précariser et de nous faire travailler toujours plus pour toujours moins.
Pour la suite des festivités, les sénateurs ont prévu de revenir sur toutes les très maigres retouches qu’avait bien voulu concéder Valls (indemnités prud’homales, définition du licenciement économique).
Ce passage par le Sénat est l’occasion rêvée pour le PS de clamer haut et fort qu’il s’agit d’un « texte de gauche ». Encore une illustration de l’arrogance de ce gouvernement, isolé au Parlement et affaibli par les grèves et les manifestations, qui use de tous les moyens pour faire rentrer la contestation dans le rang. L’idée est donc de crier au loup : le PS serait le rempart contre une droite ultralibérale décomplexée...
À ce jeu, personne n’est dupe. La vision de ce que pourrait être un texte encore pire ne peut que nous faire redoubler d’efforts pour que continuent les grèves et les manifestations jusqu’au retrait total de cette loi travail !
Comité inspection du travail Île-de-France