Hier soir, le Sénat a rejeté l’article 1 de la loi bioéthique en deuxième lecture. Bien que cet article va être à nouveau débattu et remis au vote plus tard, ce rejet qui ressemble presqu’à une farce est lourd de sens...
La PMA pour toutes, nous l’avons attendue longtemps, presque 8 ans depuis les promesses de Hollande, bien plus longtemps pour certaines qui auront lutté une partie de leur vie pour l’obtenir. Pour certaines, c’est déjà trop tard : quand bien même la loi passe avant l’été comme l’a promis Olivier Véran, ce n’est pas avant 2022 que l’on pourra voir les premières PMA pour les femmes seules et les lesbiennes. Dix ans plus tard donc...
Oui, cette loi, nous l’avons attendue. Le problème, c’est que celle pondue par Macron (tentant de se racheter un soupçon de progressisme avant la fin de son mandat, alors qu’à l’Intérieur siège Darmanin, soutien de La Manif pour tous auxquelles s’ajoutent les accusations de viols pesant sur lui) n’est certainement pas la nôtre. Pas la nôtre, car elle exclut les personnes trans. Pas la nôtre, car elle est discriminante en proposant des filiations différentes entre couples de femmes et couples hétéros1. Pas la nôtre, parce que sous couvert de droit aux origines, elle nous montre qu’un couple de femmes aurait besoin de clarifier qu’il y a bien un géniteur et qu’il est un homme (au cas où nous aurions un doute).
Le Sénat, antichambre de La Manif pour tous
Nous connaissions aussi le risque de ce passage au Sénat : celui du retrait du remboursement dans les cas où il n’y aurait aucun problème d’infertilité comme c’était déjà le cas en première lecture. Donc, finalement se retrouver avec une loi de classe. Une loi qui exclut les femmes pauvres, les femmes aux bas revenus, d’avoir des enfants, et assumer clairement la marchandisation, comme c’est déjà le cas pour celles qui vont en Espagne, en Belgique ou au Danemark.
Hier soir, le Sénat a finalement surpris : non seulement, la loi est amendée pour refuser le remboursement, mais ensuite pour en exclure les femmes seules, alors que la PMA post-mortem est adoptée. On peut donc avoir un enfant seule si on en a conçu l’idée avec son défunt mari... Jugeant la loi vidée de sa substance, les partisans de l’article un ont voté contre, et c’est donc l’ensemble de l’extension de la PMA qui a été rejetée y compris pour les couples de femmes.
L’ombre de la Sainte-Famille
Sur la demande du président du Sénat, l’article sera revoté. Cependant, ce vote catastrophique, qui ressemblerait presqu’à une blague si nos vies et nos familles n’étaient pas en jeu, est lourd de sens.
L’exclusion des femmes seules fait croire que la famille se construirait essentiellement sur l’idée de couple. Hors cette idée est historiquement fausse (et encore moins de couples amoureux). Ce qui irrite, c’est que des femmes seules, quand bien même hétérosexuelles, puissent sortir d’un schéma oppressif et violent qu’est sous le capitalisme le couple hétérosexuel, alors même que les violences que subissent les femmes sont de plus en plus visibles. L’idée qui se maintient serait que le couple - et donc la famille hétérosexuelle - serait l’épanouissement, alors qu’à notre sens elle en est le contraire.
Derrière le ridicule des bébés gonflables devant l’assemblée se cache bien une tragédie. Pendant ce temps, l’extrême droite est de sortie et plus que jamais est une menace pour nos vies. Si la dernière sortie de La Manif pour tous était faible numériquement, ses idées nauséabondes sont, elles, bien présentes.
Une riposte à la hauteur des enjeux
Loin d’être un fait anodin, ce rejet par le Sénat doit nous faire prendre conscience du besoin de riposte. À Paris, avec peu de préparation, presque 3000 personnes se sont rassemblées dimanche. Nous devons construire un front large, qui lie nos revendications à la riposte antifasciste et au mouvement ouvrier. Il y a urgence à réagir.