Publié le Samedi 6 novembre 2010 à 10h52.

La machine à étouffer s’enraye

Outre qu’elle est fertile en rebondissements, l’affaire Bettencourt, ou, plus exactement, l’affaire Woerth Bettencourt, est également révélatrice des tares du système. Dernières péripéties en date : l’espionnage auquel sont soumis les journalistes et l’ouverture – enfin ! – d’un instruction judiciaire. Au moins trois journalistes travaillant sur l’affaire Bettencourt pour différents médias – Le Monde, Le Point et Mediapart – se sont fait voler leurs ordinateurs. Essai pour savoir où ils en étaient dans leurs investigations ? Tentatives d’intimidation des journalistes ? Utilisation de méthodes mafieuses pour protéger le pouvoir, alors que s’accumulent les révélations sur les liaisons dangereuses entre milliardaires et politiciens proches de Nicolas Sarkozy ? Une certitude : ces attaques contre la liberté de la presse ne font qu’ajouter un scandale au scandale ! D’autant qu’elles viennent compléter la campagne contre les journalistes menée depuis plusieurs semaines par le procureur Philippe Courroye. En effet, ce dernier n’a pas lésiné sur les moyens pour étouffer l’affaire et, en particulier, empêcher toute vérification sur le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy par Liliane Bettencourt. Pendant des mois, ce procureur mercenaire a maintenu la fiction d’une « enquête préliminaire » – menée par lui-même ! – avec un objectif unique : pouvoir refuser l’ouverture d’une instruction judiciaire, car celle-ci serait conduite par un juge d’instruction, magistrat éventuellement indépendant et moins complaisant avec le pouvoir. Pire encore : il a tout fait pour faire dessaisir la juge Prévost-Desprez, elle-même en charge d’un aspect de cette affaire (le litige qui oppose Liliane Bettencourt à sa fille). Quitte à enquêter illégalement afin de découvrir les origines des fuites ayant alimenté certains articles de presse. Ainsi, le procureur préféré de Sarkozy n’a pas hésité à violer à plusieurs reprises la loi protégeant les sources des journalistes… Finalement, décision a été prise d’ouvrir une instruction judiciaire, ce qui constitue évidemment un désaveu cinglant pour Courroye et ses mentors, mais aussi, vraisemblablement, de « dépayser » – c’est-à-dire de confier à un autre tribunal – toutes les enquêtes relatives à l’affaire Bettencourt. Et donc, au passage, de dessaisir la juge Prévost-Desprez… S’agit-il de trouver, en fin de compte, des magistrats plus accommodants et de poursuivre l’opération d’enfumage conduite par le gang du Fouquet’s ? Ou bien le scandale a-t-il été tel, notamment dans les milieux judiciaires, qu’il fallait bien « faire quelque chose » et écarter le trop zélé Courroye ? L’avenir le dira. Reste l’étalage, depuis plusieurs mois, des méfaits des princes qui nous gouvernent. Arrogance du fric, corruption des politiques, fraude fiscale, échange de services, espionnage des journalistes, mépris de la loi, instrumentalisation de la justice au service des puissants, telle est la vérité profonde de la classe dirigeante : sordide ! François Coustal