Publié le Jeudi 16 février 2012 à 19h41.

La Merkozie en campagne

On a droit à un drôle de numéro  « internationaliste » : interview des deux dirigeants sur France 2 et ZDF, annonce de Merkel dans les grands meetings électoraux de l’UMP…  Au nom d’une même politique européenne ! Nationaliste, Sarkozy ? Pas du tout ! Guéant fait certes la moitié de sa campagne. Mais l’autre moitié, n’est-ce pas la chancelière allemande ?

Pourquoi cette campagne commune de la Merkozie, alors que l’un et l’autre misent volontiers sur les sentiments nationalistes, Sarkozy s’attaquant aux immigrés, Merkel montant les Allemands travailleurs contre les Grecs paresseux ? Ils pensent mieux nous vendre leur commune camelote politique en répétant ensemble le même mensonge : la seule voie possible, c’est l’austérité et la baisse du « coût du travail ».

Sarkozy déroule donc le conte de fée économique allemand : modération salariale, accords « pour l’emploi » dans les entreprises permettant d’échanger baisse des salaires et augmentation du temps de travail contre garantie pour l’emploi, durcissement des lois sociales, retraite à 67 ans, baisse des dépenses publiques, augmentation de la TVA ! Et hop ! Par la grâce d’une compétitivité restaurée, après l’effort, le réconfort : un gigantesque excédent commercial, un triple A conservé, un taux de chômage de 6 % (contre 10 % en France).

Sauf que derrière cette façade se cache un paysage social catastrophique. Un tiers des emplois allemands n’est ni à temps plein ni à durée indéterminée. Un emploi sur dix est un « minijob », payé moins de 400 euros par mois et dépourvu de couverture sociale décente. C’est le sort de 7 millions d’AllemandEs. Un million de personnes travaillent pour moins de 5 euros de l’heure, 3,5 millions pour moins de 7 euros.

Ils n’ont pas la consolation de bénéficier des services publics dignes d’un pays si riche. Les dépenses publiques ont été largement amputées, notamment au niveau des collectivités locales. Elles représentent 16 % de moins par habitantE qu’en France. Le rêve de Sarkozy…

L’Allemagne va bien ? Pas ses travailleurEs, pas sa population. C’est cela qui devrait servir de modèle à toute l’Europe ? Tant pis d’ailleurs si les peuples n’en sont pas preneurs. Merkel et Sarkozy ont conçu un nouveau traité pour imposer une discipline budgétaire drastique à chaque État, sous peine de sanctions, dans le but affiché d’assurer le remboursement des dettes souveraines. Voilà leur idée d’un fédéralisme européen : ils n’en imaginent pas d’autre que celui de la mise sous tutelle de chaque État pour imposer la compression des dépenses sociales et des salaires. Il ne mènera qu’à l’explosion des nationalismes et à une longue dépression. L’austérité tue la demande et fait plonger l’emploi. Le prétendu modèle allemand, déjà miné par la grande faiblesse de la demande intérieure, va lui-même faire long feu : l’Allemagne  réalise les deux tiers de ses exportations avec le reste de l’Europe. Alors si tout le continent l’imite… Merkel et Sarkozy nous préparent ainsi une catastrophe sociale, comme en Grèce. Avec un seul but, parfaitement conscient : défendre les fortunes financières et accroître les profits patronaux.

À cette drôle d’Internationale des banques, des patrons et des gouvernements, nous n’opposons pas « la rigueur de gauche » sous l’écran de fumée de creuses dénonciations du « monde de la finance ». Nous opposons l’Europe des résistances. Internationalistes, nous sommes avec les travailleurs grecs qui rejettent, de grèves en manifestations, la dictature de la finance, du profit privé, de la troïka européenne. Notre modèle, c’est eux.

Yann Cézard