Les manœuvres de Mélenchon et du PCF, le premier pour s’imposer comme le seul candidat possible à la présidentielle à la gauche du PS, le second pour préserver au mieux ses intérêts aux législatives, s’inscrivent dans une perspective institutionnelle qui ne répond pas aux besoins des travailleurs.
Le torchon brûle entre les dirigeants du Parti communiste et Mélenchon et son équipe. Lors de la fête de l’Humanité, Mélenchon avait refusé de rencontrer publiquement Pierre Laurent en expliquant qu’il y avait entre eux une « divergence stratégique de fond ». Pierre Laurent, avait-il dit, « croit aux primaires de toute la gauche », pas lui. Le 15 septembre, Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, publiait sa « réponse à Jean-Luc Mélenchon » sur sa page Facebook. Le lendemain, Libération titrait : « Mélenchon et le PCF, une rupture à rallonge ». Interviewé par l’Humanité le 20 septembre, Mélenchon n’a pas cherché l’apaisement.
Petits jeux politiciens
Sans doute pour s’amuser et créer une complicité contre le principal courant politique de l’extrême gauche, Mélenchon avait, à la fête de l’Humanité, accusé Pierre Laurent de faire « du trotskisme des années 70 » en mettant « tout le monde au pied du mur » sur la question de l’unité. Piqué au vif, Dartigolles avait répondu très sérieusement que Pierre Laurent, militant de l’UEC dans les années 1970, ne pouvait être suspecté d’être proche des trotskistes avec qui il avait au contraire des contacts « rugueux ». Les accusations de « trotskisme », c’étaient des « propos de couloir », a répondu Mélenchon dans son interview à l’Humanité, démenti par la rédaction qui note qu’ils avaient été tenus devant plusieurs chaînes de radio et télé. Et Mélenchon de conclure sans rire et avec cynisme : « Où est l’offense ? Je rappelle que j’ai été trotskiste. »
Sur leur désaccord, de fond prétend-il, Mélenchon campe sur ses positions. « De leur côté, les porte-parole du PCF me dénigrent sans relâche depuis sept mois. Je n’ai jamais répondu. Un fossé a été creusé. Mais notre divergence est politique. Le PCF a voulu les primaires de toute la gauche, cela n’avait pas de sens. La vie a tranché. La vérité, c’est que la direction communiste a pris sa décision depuis longtemps de ne pas me soutenir. Le 5 novembre (date de la conférence nationale du PCF – NDLR), le PCF ira de son côté. Le seul résultat de sa campagne aura été de me rendre la tâche plus difficile. Mais d’autres communistes m’ont aidé de toutes leurs forces. Le bilan reste positif. »
Mélenchon veut s’imposer comme le seul candidat possible à la gauche du PS, voire comme l’homme providentiel – ou plutôt présidentiel – au-dessus des partis dont il rejette l’ingérence et le contrôle. Les dirigeants du PCF, eux, visent les législatives, et veulent préserver leurs intérêts de parti et d’appareil en ne brûlant pas toutes leurs cartes du côté d’une alliance possible avec ce qui pourrait sortir des « frondeurs » du PS. Voilà ce que Mélenchon appelle un désaccord stratégique. Mais sur les perspectives et le programme, il n’y a pas vraiment de divergences entre eux.
Une perspective institutionnelle illusoire
Mélenchon se réjouit de la prise de position de Clémentine Autain, porte-parole d’Ensemble, pour qui « il n’y a pas d’autre solution que Mélenchon » comme il s’est réjoui de l’appel à soutenir sa candidature « Faisons Front commun » de quelques militantEs, dirigeantEs du PCF et d’Ensemble, d’intellectuelEs, publié le 7 septembre. « Il n’y a pas de troisième voie sérieuse entre le PS et Mélenchon », affirme Éric Coquerel. Probablement et c’est d’ailleurs ce que disent souvent celles et ceux qui cherchent dans les élections à venir un moyen d’exprimer leur écœurement du gouvernement Hollande-Valls. Mais il serait illusoire de croire que Mélenchon, qui se situe en permanence sur le plan électoral et sur le terrain du nationalisme relooké en « protectionnisme solidaire », remédierait aux injustices qu’il dénonce ou mettrait un coup d’arrêt à l’offensive des classes possédantes contre les droits sociaux et démocratiques des travailleurs.
« C’est cela, fédérer le peuple, résume Éric Coquerel, lui désigner son adversaire commun – la rente, l’oligarchie financière – et donc son intérêt commun à renverser par les urnes ce système qui met en concurrence les biens et les personnes. »
Les urnes ? Pas de quoi faire peur aux capitalistes et aux banquiers. Les mots « classes possédantes » et « travailleurs », ne font pas partie de leur vocabulaire. Ni non plus les luttes, les mobilisations et leur généralisation, l’affrontement nécessaire, la rupture. La seule voie réaliste dont Philippe Poutou sera le porte-parole.
Galia Trépère