La loi d’urgence sanitaire autorise le gouvernement à modifier certaines dispositions du code du travail et du statut des fonctionnaires de manière, en principe, temporaire.
Le gouvernement entend ainsi prévenir les faillites en cascade, éviter l’explosion du chômage, maintenir autant que possible la paix sociale et garantir un minimum d’activité économique pour préserver l’accumulation capitaliste. Sans surprise, aucune des mesures ne renforce les droits des salariéEs.
Tout y passe
Le texte de loi prévoit de « limiter les ruptures de contrats de travail ». La préoccupation est juste, et les inspecteur-trices du travail constatent actuellement nombre de ruptures de périodes d’essai ou de licenciements sauvages au motif de la crise sanitaire. Mais ne rêvons pas, cela ne se fera pas l’interdiction des ruptures de contrats, même provisoire, mais par l’élargissement du recours au chômage partiel. Les salaires seront donc payés sur fonds publics et par l’impôt, alors qu’il faudrait prendre sur les profits des grands groupes. Au vu des récentes déclarations du gouvernement visant à refuser le chômage partiel aux entreprises qui ferment volontairement, on peut par ailleurs douter de ses intentions.
Le dispositif de maintien du salaire en cas d’arrêt pour maladie ou accident sera « adapté » mais on ne sait pas dans quel sens.
Le versement de l’intéressement et de la prime de pouvoir d’achat pourra être différé.
L’employeur pourra imposer, par accord d’entreprise (prioritaire) ou de branche, les dates de congés payés dans la limite de six jours. Sous l’apparence d’une solution visant à maintenir l’intégralité du salaire pour limiter le chômage partiel, il s’agit d’un véritable détournement de la vocation des congés payés, qui sont un temps de loisir, de culture, d’éducation, de repos. Tout l’inverse du confinement ! Quant au verrou de l’accord il est bien illusoire quand on sait que, dans les petites entreprises, une consultation du personnel sous pression du patron suffit pour faire avaliser n’importe quel recul.
Les employeurs privés et publics pourront imposer unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos affectés sur le compte épargne temps, alors que les salariéEs et les fonctionnaires disposent d’une certaine liberté pour les utiliser. Là encore, on détourne ces jours de leur finalité et on privera les salariéEs et les fonctionnaires d’un temps qu’ils auraient utilisé à reprendre leur vie sociale hors travail une fois le confinement terminé.
Durée du travail et repos
Cerise sur le gâteau, certaines entreprises seront autorisées de droit à augmenter les durées maximales du travail, diminuer les temps de repos et faire travailler le dimanche, sans autorisation administrative. Le gouvernement promet de limiter cette faculté à certains secteurs, mais la liste n’est pas encore connue… il sera donc possible de faire tourner certaines productions 24h/24 et 7j/7 au mépris des règles encadrant la durée du travail, dont l’excès est facteur de fatigue, de maladies et d’accidents. Si l’on peut concevoir la nécessité de garantir et d’accroître la production de certains biens, sans socialisation de la production sous contrôle des travailleur-euses décidant des rythmes et des mesures de sécurité, cette mesure servira surtout à garantir aux patronNEs de ces entreprises une part de la plus-value absolue (et donc de profit) au prix d’une exploitation effrénée.
Car c’est bien là le fond du problème : avec une subordination et un arbitraire patronal accrus, sans droits nouveaux pour les salariéEs, sans pouvoir de faire valoir leurs droits, et sans moyen de contrôler l’application du droit puisque les inspecteur-trices du travail n’ont pas les équipements pour assurer leur mission en sécurité, c’est finalement le Code du travail qui se trouve dans les faits affaibli au seul bénéfice des employeurs et l’exploitation de la force de travail qui peut avoir libre cours. Nous savons, avec ce gouvernement autoritaire, que le provisoire finit par devenir la norme, comme on l’a vu avec l’état d’urgence : ces mesures doivent être combattues et les revendications anticapitalistes d’interdiction des licenciements et de réquisition des entreprises sous contrôle ouvrier n’en sont que plus urgentes.