D’abord parce que c’était le premier du genre... et probablement le dernier ! Et on a bien compris pourquoi. Le cadre était certes contraint et réducteur : analyser une situation et développer des réponses politiques en 1 minute et demie relève du défi, surtout quand nos explications et nos réponses tranchent avec le consensus de toutes celles et ceux qui restent cantonnés au cadre de l’économie capitaliste. Mais malgré la différence de traitement par des journalistes qui coupaient sans vergogne la parole aux « petitEs » candidatEs mais laissaient les autres dérouler les propositions qu’ils et elle ressassent depuis des mois sur tous les médias qui leur tendent complaisamment le micro, on peut dire que ces « petitEs » candidatEs, en particulier Philippe Poutou, ont bousculé le cadre des conventions tacitement partagées.
À la différence du débat à 5 sur TF1, terminé les « pudeurs de gazelles » (dixit Mélenchon) et les envolées lyriques pour faire subtilement frissonner à l’évocation des affaires. Philippe Poutou a donné des noms pour évoquer des affaires (Dassault, Balkany...) qui mettent sur la place publique l’imbrication étroite entre personnels politiques et capitalistes. Puis il a interpellé directement celui et celle qui étaient en face de lui, comme le font les salariéEs qui ne se laissent pas impressionner par les hiérarchies sociales, et osent dire : « Vous mentez, mais vous ne nous endormirez pas. » Ce que résume la fameuse « punchline » : « Nous, on n’a pas d’immunité ouvrière ». Cette phrase a été, comme l’ont exprimé beaucoup, une forme de libération, voire de revanche, car enfin, l’un d’entre nous leur a dit, droit dans les yeux, ce que nous pensons.
Cette réalité a bousculé le débat. Pour la première fois dans cette campagne, la candidate du FN a été sur la défensive, obligée de répondre et de faire répondre au lendemain du débat par tous ses porte-flingue qui ont accumulé les contre-vérités pour tenter de disqualifier notre camarade candidat. Le Pen, elle-même, a été obligée de revenir sur l’utilisation de l’immunité parlementaire. Aucun autre candidat ne l’avait mise dans cette position.
Et surtout après !
L’emballement de la machine médiatique a exposé grand angle la rupture de Philippe Poutou : il ne fait pas partie de la famille, il ne respecte pas les codes qui permettent de mettre en scène depuis des mois des oppositions entre quelques candidatEs censés incarner à eux seuls tous les choix possibles dans le cadre du débat politique. La preuve est faite que ce n’est pas le cas, et que Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, par leur réalité sociale mais aussi leurs réponses politiques, font entrevoir d’autres choix politiques.
Entrevoir, car ce n’est pas évident d’expliquer comment interdire les licenciements, comment défendre la solidarité internationale des travailleurEs et des peuples contre les logiques guerrières et sécuritaires, comment en finir avec l’état d’urgence qui démultiplie et légitime la violence sociale (en particulier les oppressions sexiste, raciste) en surfant sur toutes les peurs, comment répondre à la catastrophe écologique que tout le monde voit arriver, ou comment envisager une démocratie directe, prendre nos affaires en main, à commencer par les mobilisations sociales en suivant l’exemple que nous donnent les GuyanaisEs… Tout cela en 17 minutes chrono !
Ce débat n’a fait que poser les problèmes... Mais cela suffit à ce que les potentielEs « favoris » de cette élection refusent tout nouveau débat qui pourrait approfondir ces questions. Cela dit, des oreilles se sont ouvertes, et il reste quelques jours pour profiter d’une exposition médiatique qui fasse entendre largement les propositions du NPA. Et surtout, nous comptons sur la mobilisation de touTEs celles et ceux qui sont prêtEs à nous rejoindre pour les défendre avec nous pendant la séquence électorale, et surtout après…
Cathy Billard