Le refus du Parti socialiste de voter la censure du gouvernement révèle une nouvelle fois l’état d’un NFP qui s’affaiblit à mesure qu’il s’éloigne de la rue et s’enfonce dans les discussions institutionnelles.
Le PS n’a pas voté la censure du gouvernement le 14 janvier. Il estime avoir obtenu des concessions de la part du Premier ministre Bayrou, avec le passage d’une nouvelle loi au Parlement sur les retraites, l’abandon des suppressions de postes dans l’Éducation nationale et des deux jours de carence dans la fonction publique. Selon le Monde un sénateur proche de Macron rapportait que « François Bayrou a certes beaucoup lâché aux socialistes, mais en même temps, il a réussi à provoquer un signal, qui est la division, à mon avis irréversible, du NFP, et ça c’est très important ».
Ces concessions du Premier ministre sont insignifiantes. Des ministères (à commencer par celui des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative) sont déjà touchés par les suppressions de postes. De plus, si la durée de carence n’est pas rallongée, le gouvernement veut réduire les indemnités maladie à 90 % du salaire. Sur les retraites, la réforme va continuer à se mettre en place 1.
François Bayrou semble ainsi avoir habilement ralenti le rythme des politiques antisociales pour obtenir l’abstention du PS et fragiliser la gauche. Avec l’objectif de faire passer un budget libéral et engager un programme dont la dimension raciste a été claire dans la déclaration de politique générale du Premier ministre.
La gauche rattrapée par ses contradictions
Il y a dans ce deal une forme de logique, de retour aux orientations libérales du parti de Hollande. Des tendances profondes sont à l’œuvre, liées à l’intégration du PS dans les institutions capitalistes. Elles n’ont été contrebalancées que par la pression des mobilisations contre la réforme des retraites et contre l’extrême droite. Des milliers de militantEs de gauche ont alors souhaité et imposé l’unité de la gauche.
Cette pression a quasiment disparu, avec l’échec des mobilisations de la fonction publique et contre les licenciements fin 2024. Les syndicats, à l’image des partis, s’engagent donc dans un round de discussions sans le préalable du retrait de la réforme des retraites.
Les Écologistes et le PCF ont discuté avec Bayrou, mais ont maintenu la position du NFP de censurer tout gouvernement qui ne serait pas de gauche. La France insoumise incarne la position la plus claire, elle a refusé de discuter avec Bayrou. Ses prises de position sont néanmoins liées aussi à d’autres objectifs. Ainsi, LFI prépare une candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, qu’elle ait lieu en 2027 ou qu’elle soit anticipée. Et pour les prochaines élections municipales, chacun calcule le résultat d’alliances à géométrie variable. Des ambitions et des rapports de forces locaux multiples modèlent les débats nationaux.
Pour une gauche unie… par en bas
Les enjeux unitaires, déterminés par la période de crise du capitalisme et de montée de l’extrême droite, sont ainsi relégués. Une fois de plus, le cadre antidémocratique capitaliste et les institutions montrent leur capacité à déplacer la radicalité vers la passivité.
La priorité devrait être d’œuvrer à une unité militante, à la base, liées aux luttes locales, que bien peu d’organisations ont la conviction de construire actuellement. Et que cette unité ne soit pas remise en cause par les désaccords inévitables sur les municipales. Un cadre restreint, avec Nouvelle Donne, PEPS, L’Après, Ensemble, GDS et d’autres, travaille à construire cette unité à la base. Cela nous semble très important.
Antoine Larrache
- 1. Michaël Zemmour, « Sans suspension de la réforme il n’en restera qu’un à négocier (63 ou 64 ans) », Alternatives économiques, 15 janvier 2024,