Publié le Jeudi 25 septembre 2014 à 08h00.

Loi antiterroriste : un grand pas dans le tout sécuritaire

En procédure accélérée, la loi antiterroriste a été adoptée à l’Assemblée nationale le 18 septembre, et sera soumise au vote des sénateurs à la mi-octobre. Elle s’inscrit dans l’arsenal antiterroriste, déjà riche de 14 lois votées depuis 1986, qu’elle durcit encore...

Un bel exemple d’unité nationale : l’appel du ministre de l’Intérieur dans l’hémicycle, à « la nécessité de se rassembler devant la menace » a donc été entendu. Tous les députés, du FN au Front de gauche, à l’exception des députés EÉLV qui se sont abstenus, ont voté cette quinzième loi de lutte contre le terrorisme. Il est à noter que le PG a désavoué le vote des députés du Front de gauche et appelle les sénateurs et sénatrices du FdG à voter contre. À suivre.Portée par le ministère de l’Intérieur, la loi affiche la volonté d’empêcher de manière administrative le départ en Syrie de jeunes, garçons et filles. La raison avancée serait essentiellement de diminuer le risque d’action terroriste qu’ils pourraient commettre à leur retour.

Une loi liberticideOutil de communication gouvernementale, cette loi de circonstance est une atteinte massive aux droits des citoyenEs. Dès le premier article, l’interdiction administrative de sortie du territoire pour 6 mois renouvelables, avec confiscation des papiers d’identité, donne le ton. C’est une mesure préventive quand il y a « des raisons sérieuses de croire que les personnes concernées ont l’intention de partir en Syrie », dixit Bernard Cazeneuve. La présomption de culpabilité remplace donc la présomption d’innocence. C’est une sanction pénale qui s’applique sans jugement et sans qu’un acte répréhensible n’ait été commis. Bref, c’est la pénalisation de l’intention !Par ailleurs, un nouveau délit est créé, celui d’entreprise terroriste individuelle. Là, il ne s’agit plus d’intentions mais d’infractions : deux infractions doivent avoir été commises, parmi une liste large dans laquelle figurent par exemple la consultation de sites djihadistes ou la possession de livres ou de documentations sur le sujet. Autant dire que cela peut concerner de nombreux citoyenEs curieux, des militants qui tiennent à s’informer à des sources variées, des associations ou partis prenant des positions publiques à partir de sources diverses... Autant dire que, dès l’application de la loi, nous serons tous suspects... et donc coupables !De plus, les délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme, sur internet, infractions jugées auparavant en tant qu’usage abusif de la liberté d’expression dans le cadre de la loi régissant la presse, seront désormais considérés comme des actes terroristes à part entière, relevant du pénal. Un éditeur ou un hébergeur internet devront retirer les contenus relatifs à l’incitation au terrorisme sous 24 heures, sous peine de blocage du site. Les perquisitions à distance des équipements informatiques seront légales, et les données déchiffrées seront conservées.

Police partout, libertés nulle part ?Les pouvoirs de police administrative sont fortement augmentés, bien au-delà de la seule question du terrorisme. Les pouvoirs d’enquête sur la criminalité seront étendus, les prérogatives de contrôle renforcées, et le ministre a promis d’augmenter le nombre d’enquêteurs. Pour réaliser « le parcours de radicalisation » des suspects, les policiers auront le droit de passer au scanner toute leur vie, de leurs comptes en banque à leurs messageries en passant par leurs relations.Cette nouvelle loi remet en cause de nombreux droits : ceux relatifs à l’information, à la liberté de circulation, à la liberté de communication, à la protection de la vie privée...

Quelle efficacité contre le terrorisme ?Peu, voire pas du tout. Il est quasi impossible de bloquer un contenu jugé litigieux sur les réseaux sociaux sans sur-bloquer tous les réseaux, ce que personne ne fera... Et pour certains des jeunes candidats au départ, ce n’est pas le passage sur des sites de propagande qui les ont convaincus mais le passage en prison ! Pour rappel, 70 % des jeunes incarcérés le sont pour de très courtes peines qui pourraient facilement s’effectuer autrement que dans ces prisons. Mais pour cela, il faudrait miser sur l’éducation et non sur l’enfermement.Plus globalement, si la volonté était de protéger des jeunes des « sirènes du djihad », il faudrait qu’ils trouvent de bonnes raisons de vivre en France : cela passe par une réelle égalité à l’éducation, à la culture, aux sports, par la fin des harcèlements policiers, et surtout la possibilité de s’imaginer un avenir ici !

Roseline Vachetta