Les divisions au sein du Parti socialiste et de la majorité sont, depuis le début du quinquennat de Hollande, monnaies courantes. Après la déchéance de nationalité, la loi El Khomri ajoute une nouvelle fracture au sein du PS, au moment même où son premier secrétaire en appelle à la grande alliance en vue de 2017.
Depuis qu’elle avait intégré la motion majoritaire au dernier congrès du PS, Martine Aubry s’était faite discrète face à la politique menée par Hollande et Valls. La loi El Khomri l’a réveillée, publiant avec les « frondeurs » et quelques personnalités une tribune au vitriol dans Le Monde contre l’orientation libérale du gouvernement socialiste. Tout y passe, du « marché de dupes » du Pacte de responsabilité au débat « désolant »sur la déchéance de nationalité. Mais c’est évidemment le projet de loi sur le travail qui est visé et qui, selon les signataires, « n’est pas une loi de gauche », même si Aubry reconnaît qu’« il faut faire bouger le Code du travail mais en protégeant les salariés »...
Beaucoup d’Aubry pour rien ?
A première vue, la colère des aubrystes et des « frondeurs » semble importante… comme d’habitude. En effet, nous sommes habitués aux coups d’éclats, surtout médiatiques, des aubrystes et de la« gauche du Parti socialiste » qui se sont toujours bien vite dégonflés, certains députés « frondeurs » votants même le lendemain les textes critiqués la veille... Aillons une pensée pour ces aubrystes qui ont même rallié la motion majoritaire lors du dernier congrès du PS en compagnie d’un certain Manuel Valls.Jean- Marc Germain explique leur démarche en indiquant qu’ « Il ne s’agit pas d’être contre Hollande, on reconnaît que des choses bien se sont faites ». Mais alors que proposent les signataires de cette tribune affirmant que « Trop c’est trop » ? Pas grand-chose en fait, sauf à répéter qu’« Il faut de vraies réformes, synonymes de progrès économique, social, écologique et démocratique ». Et François Lamy, un proche d’Aubry, d’indiquer que le « gouvernement doit entièrement revoir sa copie »... mais qu’il y a aussi « besoin de flexibilité des salariés » !
« Modernes » contre « archaïques » ?
Cette nouvelle division du PS et l’annonce de la sortie probable – et négociée – des aubrystes de la direction du parti fragilise fortement le gouvernement, mais aussi le PS, pour 2017. Car c’est évidemment l’orientation de celui-ci qui est en jeu. Pour Valls, la loi El Khomri est la plus importante du quinquennat qui permettra de mettre fin aux « archaïsmes », et au-delà d’avancer dans son projet d’aller vers un parti libéral, tourné en particulier vers les centristes.Cambadélis, le premier secrétaire du PS, est conscient de la crise « de mutation » que connaît actuellement son parti à quelques mois d’un prochain congrès et de la présidentielle, tout en la minimisant comme toujours... Comme à son habitude, il essaye de faire la « synthèse » en ménageant tout le monde : « J’ai besoin de tous les socialistes. Martine Aubry est une grande voix des socialistes et nous en aurons besoin dans la campagne présidentielle comme nous aurons besoin de Manuel Valls ». Histoire de définir une stratégie géniale pour conserver une majorité au sein du parti.Pourtant la crise, profonde, et ne semble pas prête de se calmer. Jusqu’où ira-t-elle ? Affaire à suivre...
Sandra Demarcq