Le 10 septembre, 300 agentEs du ministère du Travail se sont retrouvéEs à Paris pour une journée intersyndicale de commémoration militante à l’occasion du vingtième anniversaire du double assassinat de Sylvie Trémouille, contrôleuse du travail, et Daniel Buffière, contrôleur de la Mutualité sociale agricole, par un exploitant agricole, membre la Coordination rurale, en Dordogne le 2 septembre 2004.
L’émotion était palpable lors du die-in, organisé le matin devant le ministère du Travail, et dans les interventions d’un collègue et ami de Daniel Buffière ou d’une jeune collègue saluant la transmission de la mémoire aux nouvelles générations lors d’une assemblée générale organisée l’après-midi. C’était l’un des premiers objectifs de cette journée : montrer, malgré la condamnation pénale de l’employeur, que l’oubli n’est pas une option.
Des conditions travail toujours plus dégradées
Il peut l’être d’autant moins que toutes les circonstances qui ont rendu ces meurtres possibles se sont, depuis vingt ans, largement accentuées sous l’effet des attaques portées contre les droits des salariéEs et contre les institutions chargées d’en assurer l’application.
Le sous-effectif n’a jamais été aussi important à l’inspection du travail (il y a aujourd’hui moins de 1 700 inspecteurEs du travail), ajoutant surcharge de travail et isolement professionnel à la difficulté inhérente aux contrôles.
L’offensive se déploie aussi sur le terrain idéologique, le gouvernement favorisant lui-même le dénigrement des contrôles en se plaçant du côté des patrons et des exploitants agricoles présentéEs comme les victimes de fonctionnaires tatillons. Les agentEs du ministère du Travail attendent ainsi toujours une condamnation publique des agissements d’agriculteurs venus pendre un sanglier devant l’inspection du travail à Agen en février dernier. Lors de l’assemblée générale, plusieurs collègues ont livré des témoignages glaçants — comme le déboulonnage des vis d’une des roues d’une voiture de service en plein contrôle ou l’accueil par une dizaine d’exploitants agricoles à l’occasion d’un contrôle de routine.
L’inspection du travail, c’est nous !
C’était l’un des autres objectifs de cette journée : ne pas laisser à l’État le monopole de la commémoration. Cyniquement, des rassemblements étaient en effet organisés le 2 septembre dans les départements en présence des préfetEs et directeurEs du travail, érigeant Sylvie et Daniel en héros de la République, alors qu’à l’époque les meurtres avaient été qualifiés par le gouvernement de faits divers illustrant les déboires des agriculteurEs. Parmi les agentEs désormais, la conviction que l’inspection du travail ne tient que grâce à elleux-mêmes et que rien n’est à attendre de la hiérarchie est bien ancrée : l’enjeu dans les prochains jours sera de consolider ce rapport de forces, avec en perspective la journée de grève du 1er octobre, pour faire reculer une politique désastreuse déjà battue dans les urnes en juillet dernier.
Julien Dumans