C’est un soulagement de voir le Front national battu dimanche dernier lors de la législative partielle du Doubs, tant nous ne voulions pas d’une député d’extrême droite de plus. Mais le soulagement est de bien courte durée...
Certes, une réaction salutaire a mobilisé contre le FN, au second tour, des abstentionnistes du premier tour. Mais l’augmentation de la participation, de 39,5 à 49 %, a joué aussi en faveur du FN, montrant une polarisation réelle. Et sa candidate n’a été battue que de 900 voix...
Des partis discrédités
C’est une évidence, la désespérance sociale, fruit du chômage qui ne cesse d’augmenter, des conditions de vie qui se dégradent, du manque d’avenir pour les jeunes et en l’absence de toute réaction sérieuse du mouvement syndical et social, fait le lit du FN. La brutalité antisociale des politiques menées depuis plusieurs décennies par les différents gouvernements, élaborées, impulsées et si nécessaire imposées au sein de l’Union européenne par ces mêmes gouvernements, ont ravagé toute crédibilité des partis politiques impliqués, qu’ils soient de droite ou « socialistes ».
Dans cette législative partielle, l’UMP, éliminée dès le premier tour et totalement sous la pression de l’extrême droite, est rattrapée par ses contradictions internes violentes. Quant au sortant socialiste, Moscovici, ex-ministre de l’Économie et des Finances et désormais commissaire aux Affaires économiques et monétaires pour la Commission européenne, il est particulièrement en pointe pour imposer l’austérité : il représente jusqu’à la caricature ce personnel politique rejeté.
La France mise au pas ?
Hollande invoque donc « l’esprit du 11 janvier » pour tenter d’enrayer la chute inexorable du PS. Mais son union nationale, résumée dans sa conférence de presse du jeudi 5 février, est une politique autoritaire, sécuritaire et liberticide au plan national, impérialiste et guerrière au plan international.
S’appuyant sur l’intense campagne médiatique autour des « incidents » survenus dans les établissements scolaires au moment de la minute de silence après les attentats de début janvier, les mesures pour l’école, promue « meilleure arme pour la reconquête », ont pour objectif de préparer une jeunesse qui marche au pas. Hollande a ainsi annoncé une « éducation d’inspiration militaire » en augmentant les places dans les établissements publics d’insertion de la défense (Epide) pour les jeunes en échec scolaire.
De même, pour « l’insertion professionnelle des jeunes », il va expérimenter en métropole le Service militaire adapté qui permet de « former des jeunes dans le cadre militaire pour répondre à des besoins économiques ». On comprend alors mieux sa confirmation de la création d’une « réserve citoyenne d’appui ». C’est donc bien une armée de réservistes, évidemment bénévoles, qui va débarquer dans les établissements pour « défendre les valeurs de la République »...
Dans le même élan, au nom de la lutte contre la menace terroriste, il annonce qu’il va maintenir le budget de la défense – une somme de plus de 31 milliards – qui doit selon lui « être sécurisée, sauvegardée, préservée, (…) maintenir un niveau des effectifs qui soit conforme à ce (qu’il) pense être l’intérêt du pays ». Et pour faire bonne mesure, il enchaîne sur la « modernisation » de la force de dissuasion nucléaire « autant qu’il est nécessaire ».
Et on pourrait aussi rajouter au florilège : « La République sera intraitable, implacable » ou « la vigilance est portée à son niveau maximal »...
Résister à l’offensive raciste et sécuritaire
S’il se défend de tout racisme et appelle officiellement à ne pas faire d’amalgame, le gouvernement accrédite chaque jour l’idée d’un « problème de l’immigration », en restreignant encore un peu plus la libre circulation. Ainsi, il favorise concrètement l’amalgame entre musulmanEs et terroristes. Il pratique bel et bien un racisme « d’en haut », qui, ces dernières années, s’est particulièrement déchaîné contre les Roms et les musulmanEs.
Le rempart contre le FN n’est sûrement pas, comme l’affirme Frédéric Barbier le député PS fraîchement élu, de « garder l’esprit d’union nationale autour des valeurs de la République »...
Au contraire cette politique ne peut que déboucher sur davantage de racisme, d’injustices, d’inégalités, favorisant encore un peu plus le développement du FN. De plus, elle accrédite l’idée que la solution répressive, autoritaire, est la seule possible. Et à ce jeu-là, l’extrême droite est forcément gagnante.
L’alerte électorale du Doubs ne peut que nous inciter à combattre avec encore plus de détermination non seulement le FN mais aussi l’islamophobie, l’offensive sécuritaire et autoritaire et la poursuite des expéditions impérialistes.
Christine Poupin