Publié le Mercredi 10 mai 2023 à 08h33.

Macron, Borne, Darmanin : la violence, c’est eux !

Au soir et au lendemain d’un 1er Mai avec des niveaux de mobilisation historiques, le personnel politique et médiatique de la bourgeoisie était en boucle : toutE représentantE de la gauche sociale et politique était sommé de « condamner les violences ». Une grossière manœuvre, et surtout une question : mais de quelles violences parle-t-on exactement ?

«Un nouveau palier a été franchi dans la violence » : cette déclaration d’Élisabeth Borne au lendemain des manifestations du 1er Mai ne visait pas les forces de police et de gendarmerie qui ont pourtant, selon l’Observatoire national des street-médics, blessé au moins 600 personnes ce jour-là, dont 120 « sévèrement ». Non, il s’agissait — une fois de plus — de dénoncer les « violences » des manifestantEs et d’exiger de l’ensemble des responsables de la gauche sociale et politique qu’ils les « condamnent ». Une musique que l’on connaît malheureusement bien, mais qui a été jouée particulièrement fort ces derniers jours — et qui sonnait particulièrement faux.

« Haine anti-police »

Sur l’ensemble des plateaux de télévision, impossible d’y couper : chaque invitéE représentant une organisation syndicale ou une force politique de gauche a été sommé de « condamner ». Avec une insistance toute particulière pour les membres de La France insoumise, dans le viseur de Darmanin et des chiens de garde de l’ordre médiatique, à un point tel qu’on en est venus à se demander si Jean-Luc Mélenchon et des députéEs insoumis n’avaient pas été surpris en train de lancer des cocktails Molotov sur des CRS.

À l’Assemblée nationale, Darmanin est ainsi allé jusqu’à dénoncer la « haine anti-police » des députéEs LFI, accusant ces dernierEs d’être « complices, manifestement, de ces violences ». Avec évidemment des échos venus de la droite (Bruno Retailleau : « Je n’ai pas entendu M. Mélenchon condamner ces violences. Au contraire, on sent bien une forme de complicité et c’est ça qui est extrêmement grave ») et de l’extrême droite, décidément toujours du côté de la police et de la répression (Sébastien Chenu : « Je ne crois pas au moment où je vous parle avoir entendu l’extrême gauche, M. Mélenchon ou ses amis, condamner ces violences. C’est grave pour notre pays »).

Grossière manœuvre

Et c’est ainsi que la focale a été placée exclusivement sur la question des « violences », mettant de côté le fait que, selon l’inter­syndicale, 2,3 millions de personnes avaient manifesté le 1er Mai pour dire non à la contre-réforme des retraites et, plus globalement, aux politiques antisociales de Macron. Des chiffres particulièrement élevés et particulièrement révélateurs de la persistance et de la profondeur de la colère contre le pouvoir. Des chiffres que certains ont tenté de faire disparaître en se concentrant exclusivement sur quelques images de violences commises contre des policiers et des gendarmes.

Une manœuvre d’autant plus grossière qu’elle visait aussi à dissimuler ce fait avéré et attesté par de plus en plus d’observateurs, y compris institutionnels : un véritable déchaînement, au cours des dernières semaines, de violences policières, avec à chaque journée de manifestation des dizaines, voire des centaines de personnes blessées, ainsi que des centaines d’interpellations — au moins 540 le 1er Mai. La macronie a fait de la répression un mode de gouvernance, une nouvelle étape a été franchie avec la répression massive de la contestation, et si violence il y a, c’est d’abord et avant tout celle d’un système brutal et de ses défenseurs acharnés.

Quelle violence ?

La police tue. Le chômage tue. Le travail tue. Le mal-logement tue. Les frontières tuent. Leurs contre-réformes tuent. Nous ne le redirons jamais assez : face à un système aussi brutal et à ses défenseurs acharnés, la colère est légitime, la révolte est légitime, et ce qu’ils appellent la « violence » est légitime. Nous ne l’avons jamais caché : nous privilégions toujours les actions qui allient massivité et radicalité, unité et respect de la diversité des tactiques, et nous sommes convaincuEs que c’est une mobilisation générale, avec la participation du plus grand nombre, permettant un véritable blocage du pays, qui pourra arrêter les capitalistes et leur personnel politique.

Mais nous faisons nôtres les paroles de l’évêque brésilien Helder Camara : « Il y a trois sortes de violences. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’êtres humains dans ses rouages silencieux et bien huilés.

La deuxième est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.

La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la deuxième en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.

Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la deuxième, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »