Tout à sa stratégie de concurrencer le RN sur son terrain raciste, Macron, à un mois des municipales, vient de proclamer haut et fort – complaisamment relayé par les grands médias – son « offensive républicaine » contre le « séparatisme islamiste ». C’était le 18 février à l’occasion de sa visite à Bourtzwiller, un quartier populaire de Mulhouse (dans le Haut-Rhin).
La « Reconquista » de la République
Ce quartier fait partie des « Quartiers de reconquête républicaine » ; il est un des quinze territoires mis il y a deux ans sous surveillance et contrôle administratif et policier renforcés dans le cadre d’un plan interministériel ayant pour objet d’expérimenter de nouvelles mesures de « lutte contre l’islamisme et le repli communautaire ». Une expérimentation qui aboutira, en novembre dernier, à la circulaire du ministère de l’Intérieur visant à combattre toute « tentative de sécession » et à détecter et réprimer tout ce qui – au niveau cultuel mais aussi culturel, associatif ou même sportif – pourrait « [contribuer] au repli communautaire ». De simples « doutes » suffisent, précise Castaner…
Dans sa circulaire, il prend néanmoins bien soin de rappeler qu’ « il est indispensable de porter un discours [!] républicain fondé sur la liberté, l’égalité et la fraternité, ainsi que sur la laïcité » mais, loin du « discours », la réalité c’est un véritable plan de guerre renforçant encore et encore la politique raciste qui stigmatise et ostracise les musulmanEs ou supposéEs telEs. Castaner enjoint tous les préfets à faire de cette lutte une « priorité » et enrôle dans sa croisade non seulement les autres services de l’État (Éducation nationale, Justice, etc.) mais aussi les maires qui sont « les mieux placés aussi pour percevoir les signes faibles [!] d’une dégradation de la situation, d’un glissement – voire d’un basculement et d’une fracture ». Le refrain tristement connu du musulman et de la musulmane potentiellement communautaristes et donc potentiellement terroristes… mais également la porte ouverte à l’arbitraire le plus total et à la délation « populaire » qui évoque immanquablement une autre période sombre de ce pays et un autre racisme d’État, l’antisémitisme, qui, désigna les JuifEs eux et elles aussi comme boucs émissaires et ennemis potentiels de la République (la IIIe).
L’ennemi de l’intérieur et de l’extérieur
La prestation mulhousienne de Macron s’inscrit dans ce nouveau plan de guerre islamophobe. Il a même tenu à faire de la surenchère en remplaçant le stigmate raciste habituel « communautarisme » par « séparatisme islamiste ». Un terme inventé par des « intellectuels » aussi réactionnaires que médiatisés, comme Finkielkraut, à l’occasion d’une tribune publiée il y a deux ans dans le Figaro, dénonçant « l’islamisme » comme un « nouveau totalitarisme » (l’ancien étant bien sûr le « communisme ») et menaçant le pays d’un « apartheid d’un nouveau genre ». Le séparatisme c’est la destruction de la République française. Le combattre est un combat national suprême qui autorise tout !
En choisissant sciemment ce terme, Macron désigne, plus clairement encore qu’avec le mot « communautarisme », un ennemi de l’intérieur musulman, potentiellement islamiste. Un ennemi de l’intérieur clairement identifié comme étant en lien avec l’ennemi de l’extérieur. Après avoir évoqué le financement étranger de mosquées (suffisamment vaguement pour ne pas fâcher le précieux partenaire commercial qatari, impliqué dans la construction de la mosquée de Mulhouse !), le président a déclaré fermer désormais la France aux « imams détachés » envoyés par d’autres pays considérés comme des viviers de terroristes islamistes. Autre annonce, la disparition du dispositif de cours en langues étrangères (ELCO) dispensés dans les établissements scolaires par des enseignants mis à disposition par les gouvernements d'autres pays et soupçonnés par Macron d’ « enseigner des choses qui ne sont manifestement pas compatibles ou avec les lois de la République ». La suppression de ce dispositif facultatif est une mesure discriminatoire qui va priver les enfants d’un enseignement de la langue et de la culture originelles de leur famille dans le cadre de l’école publique et laïque.
À l’occasion du traditionnel bain de foule à Bourtzwiller, quelque peu « interpellé » par des habitantEs sur l’état de leur quartier – désert médical, chômage… –, Macron osera cette réponse : « On doit lutter contre le séparatisme parce que quand la République ne tient pas ses promesses d’autres essaient de la remplacer ». Quelles promesses ?! Et le destructeur des services publics, des acquis sociaux et de l’emploi ne se contentera pas de cette cynique pirouette ; il se fera aussi combattant des discriminations ! Mais à sa façon, très « premier de cordée » : « On doit lutter contre les discriminations, on doit mettre la méritocratie partout » !
Combattre l’islamophobie et tout racisme !
La droite et l’extrême droite n’ont rien à redire à cette nouvelle campagne islamophobe, bien au contraire, si ce n’est de réclamer toujours plus de mesures concrètes et notamment, comme le martèle à chaque occasion Valeurs actuelles, un renforcement de la lutte contre l’immigration, une immigration qui alimente et « cimente au quotidien le repli communautaire ». Macron et les siens n’auront rien à y faire : l’original sera toujours préféré à la copie…
La présente campagne islamophobe a bien sûr un sale arrière-goût électoraliste mais elle survient fort à propos en pleine mobilisation sociale contre la politique néolibérale du gouvernement. Une opération de diversion et de division qu’il faut combattre comme telle, mais qu’il faut également combattre comme opération de terrorisation de toute une population.