La candidature de l’ex-banquier-ministre bouleverse la donne, à gauche comme à droite. En quelques mois, Macron est devenu incontournable et veut jouer le trouble-fête.
À cent jours de la présidentielle, Macron est sans aucun doute le phénomène du moment. Il remplit les salles à Paris, Nevers, Clermont-Ferrand, ou Lille. Cela alors que Valls avait quelques jours plus tôt réuni difficilement 200 personnes dans le Pas-de-Calais, annulant même un meeting à Rennes pour cause de présence d’« enfarineurs »...
Évidemment, tant que la « belle primaire populaire » (sic !) n’est pas terminée, la campagne présidentielle n’a pas encore totalement commencé : elle connaîtra de nombreuses péripéties, et rien ne dit que le « succès » actuel de Macron dans les salles se traduira dans les urnes.
« Ni droite ni gauche »… mais libéral !
À écouter Macron, il serait le candidat du « ni droite ni gauche », dénonçant les partis traditionnels et prônant une « révolution démocratique ». Passons sur son appartenance bien connue à un « système » qu’il aime pourtant dénoncer, et regardons un peu ses propositions... Fin des 35 heures pour les jeunes et durée légale du travail moindre après 50 ou 55 ans ; Suppression des cotisations chômage et maladie payées par le salariéE ; Augmentation de la CSG sauf pour les petites retraites et les indemnités chômage, nationalisation de l’assurance chômage et droit au chômage pour les indépendants après 5 ans d’activité et pour les salariés démissionnaires (une fois tous les 5 ans) ; Retraite à la carte ; Transformation du Cice en une baisse de charges pérenne pour tous les types d’entreprises, et 10 points de « charges patronales » en moins pour tous les emplois au SMIC ; Renforcement de l’incitation au retour vers l’emploi en augmentant la prime d’activité ; « Aller au bout » de la réforme des prud’hommes ; Aucun déremboursement de soins et remboursement à 100 % par la Sécurité sociale pour les maladies chroniques, les lunettes, les prothèses auditives et dentaires à l’horizon 2022 ; Réforme de l’hôpital (décloisonner les relations entre le public et le privé et réformer les tarifications)…
Bref quelques pincées de mesures pouvant apparaître comme « sociales » dans une soupe libérale contre le monde du travail. Et vive la « révolution » !
Trouble-fête et prise de tête
D’ores et déjà, Macron inquiète la droite et semble un nouvel élément d’implosion du PS. En effet, Fillon semble faire la même erreur que Sarkozy en 2012, se positionnant très très très à droite et laissant ainsi un boulevard à Macron, qui lui ne se gêne pas pour développer ces dernières semaines un discours anti-Fillon afin d’attirer un électorat de droite plus modéré. C’est ainsi que les fonctionnaires et la santé sont devenus des incontournables de ses discours, et cela semble marcher puisque, depuis la victoire de Fillon à la primaire de la droite, Macron recueille des soutiens venus du centre, de l’UDI, des juppéistes…mais aussi venu du PS.
Car Macron parie sur une implosion du PS après la primaire. En effet, si Valls est battu à l’issue de la primaire le 29 janvier, certains responsables PS qui ne s’en cachent plus, ceux-là même qui criaient au « traître » quand Macron a quitté le gouvernement... seraient aujourd’hui prêts à le soutenir. Hollande, toujours blagueur (et revanchard), serait même tenté, dit-on... Et certains n’attendent plus : Ségolène Royal, Rebsamen, ou Colomb, le maire de Lyon. Sans oublier non plus tous ses soutiens du CAC40, du patronat et du monde de la finance, qui eux ont bien compris qu’avec Macron, ils n’avaient aucun souci à se faire.
Quoiqu’il en soit, au-delà du symptôme de la décomposition du parti au pouvoir, Macron est aussi une bien belle illustration de la crise politique qui traverse la société française. Mais dans tout les cas, plus que de la solution, il fait lui aussi bien partie du problème...
Sandra Demarcq