Publié le Jeudi 13 avril 2023 à 08h00.

« Macron t’es foutu : la culture est dans la rue ! »

Comme en 2019, le secteur de la culture n’est pas en reste dans le mouvement contre la contre-réforme des retraites commencé en janvier. Fort et profond depuis le début dans le secteur lié au patrimoine, il s’est également étendu petit à petit au spectacle vivant. La grève a ainsi été très suivie dans de nombreux établissements du ministère de la Culture lors de chaque journée nationale appelée par l’intersyndicale.

Ces grosses journées de grève ont ainsi mené à des fermetures dans de nombreux établissements du ministère de la Culture : bibliothèque de l’INHA (institut national d’histoire de l’art), la BnF, et la BPI, très mobilisée depuis le début du mouvement, fermée sur presque l’ensemble des journées interpro. Des journées de grève reconductible ont également eu lieu dans certains établissements, comme dans les bibliothèques ou au Mobilier national. Les blocages et actions se sont multipliées au musée Picasso, à la BnF, devant le Panthéon…ainsi que des prises de parole et des occupations lors de représentations, ballets, spectacles et opéras partout en France.

La grève est l’affaire de toutes et tous

Ce mouvement dans la culture est essentiel, car il répond à la petite musique qu’on entend parfois chez nos collègues, qui encourage à déserter nos secteurs pour aller bloquer les éboueurs ou les raffineries : « oui, mais nous on ne bloque rien » !

Les arguments ne manquent pas. À commencer par la question économique ! La culture est une des mannes financières de l’État. Le Louvre, musée le plus fréquenté au monde, engrange à lui seul entre 600 millions et 1 milliard de bénéfices par an. Une journée de blocage du Louvre (ou de fermeture) représente ainsi — estimation basse —une perte sèche (juste pour l’État, mais les profits de très nombreuses entreprises privées y sont associés) de plus de 1,5 million d’euros.

Et les raisons de se mobiliser sont nombreuses. La culture est avant tout un secteur très précaire (50 % de contractuelEs employées par le ministère)… Sans parler de la multiplicité des statuts, a fortiori quand on étend au secteur du spectacle et de l’audiovisuel (auto-entrepreneurs, pigistes, guides-conférenciers, intermittentEs du spectacle, etc.). Ce secteur, très féminisé, est doublement impacté par la réforme. La précarisation globale dans la fonction publique, ainsi que les salaires très bas et les conditions physiques difficiles de ces métiers ont un impact considérable sur la capacité des travailleuses à se projeter dans leur métier après 60 ans, 64 ans et au-delà.

« ENSA en lutte »

La mobilisation des écoles nationales d’architecture (ENSA) est très puissante. Ce mouvement est porté par les étudiantEs et les personnels, très nombreux et visibles en manifestation, notamment grâce à leurs cortèges accueillant de grandes structures construites, portées à bout de bras et des appareils musicaux. Leur mobilisation est en lien avec l’application de la réforme de l’enseignement supérieur d’architecture et des arts, autour de la question des budgets et moyens humains d’une part, et d’autre part de la mise en œuvre pratique des spécificités de l’enseignement de l’architecture.

La force symbolique de la culture

Le pouvoir de la culture, c’est aussi son caractère symbolique et son poids médiatique à l’international. Le « rayonnement culturel de la France » n’est pas le moindre des soucis du président Macron pour son image (en lien également avec la dénonciation de son autoritarisme et de la répression des manifestantEs) ! L’annulation de la venue du roi Charles III en France, faisant notamment suite à l’annonce de la grève du Mobilier national et son refus de lui dérouler le tapis rouge, est un revers diplomatique qui pèse sur lui et son gouvernement. La fermeture du Louvre ou la banderole de 30 mètres de long déployée sur l’Arc de Triomphe par les agentEs de la Culture et du spectacle ont été largement relayées à l’international et visibilisent la lutte contre la réforme des retraites et le désaveu public de ce gouvernement détesté. Ces deux actions ont été menées dans le cadre d’intersyndicales impliquant les syndicats des fédérations du patrimoine et du spectacle, un symbole fort dans la perspective de la construction d’une convergence des secteurs de la Culture pour l’avenir. Le Louvre avait pu être un symbole du lieu de l’investiture présidentielle de Macron que les grévistes se sont ainsi réapproprié… Gageons que l’Arc de Triomphe sera le symbole annonciateur de notre triomphe contre Macron et sa contre-réforme des retraites !