Publié le Lundi 18 juillet 2016 à 12h00.

Marine Le Pen, le national-libéralisme contre les travailleurs

Tout comme ses homologues britanniques champions du Brexit, Marine Le Pen a quelques difficultés à gérer sa démagogie tous azimuts et les contraintes que lui impose son ambition d’accéder au gouvernement pour gérer les affaires des classes dominantes alors que la mondialisation financière impose ses lois.

Son ambiguïté face à la loi travail en est un exemple. Son prétendu soutien aux travailleurs contre la loi, son hostilité viscérale à la CGT et aux organisations ouvrières, sa volonté de plaire au patronat l’ont plongée dans un étrange mutisme n’osant défendre trop ouvertement « la légitime contestation de la loi travail par les Français ». Elle a par contre trouvé les mots pour dénoncer « l’action de ces hordes d’extrême gauche que personne ne devrait accepter de voir sévir sur notre territoire », alors que Louis Aliot fustigeait la grève, « un système archaïque »...

Les deux sénateurs FN se sont cru autorisés à poser des amendements accentuant « la dérégulation du travail »... que Philippot prétend dénoncer : suppression du compte pénibilité, doublement des seuils sociaux de 50 à 100 salariéEs, des « exonérations de cotisations sociales, patronales et salariales sur les contrats des apprentis », réduction à « deux mois » de la durée de la baisse des commandes ou du chiffre ­d’affaires qui permet de caractériser les difficultés économiques et autorise les licenciements économiques… Des attaques ouvertes contre les droits des salariéEs qu’ils ont été obligés d’abandonner tellement elles révélaient la duplicité du discours officiel !

Libéralisme et Frexit…

Rendu public la semaine dernière, le pré-projet économique du FN va dans le même sens pour « assouplir » le droit du travail, en particulier avec la remise en cause des 35 heures par des accords de branche pour passer à 39 heures. En matière budgétaire, l’objectif est de ramener les dépenses publiques à 50 % du PIB, contre 57 % en 2015. En clair, rien ne change, libéralisme et austérité, mais au nom du nationalisme.

La pierre angulaire de ce programme tout à fait libéral et en faveur du patronat, c’est la sortie de l’euro combinée à la démagogie contre l’immigration, nationalisme et racisme. Marine Le Pen veut un référendum en France dans la foulée du Brexit. Elle reste cependant prudente, défendant une sortie « concertée ». La nouvelle monnaie coexisterait avec « l’écu », qui serait utilisé pour les échanges intra-­européens. Retour à l’époque Giscard !

Dans son ambition présidentielle, Le Pen cherche à dévoyer le mécontentement populaire tout en voulant gagner à elle les patrons de PME et TPE auxquels elle promet des allègements fiscaux et une priorité dans l’attribution des marchés publics. En fait, elle avance une politique libérale et nationaliste compatible avec celle de LR, des Dupont-Aignan et autres. Elle veut capter leur électorat voire réussir à former un nouveau parti de droite extrême autour d’elle, instrument de son ambition alors que les vieux caciques de droite sont à bout de souffle.

Progressivement, elle met en place une politique qui puisse répondre aux besoins de la bourgeoisie au moment où la crise de l’Europe s’accentue. Elle tente de gérer les contradictions entre les intérêts nationaux des classes dominantes et les contraintes de la mondialisation tout en dévoyant le mécontentement populaire. Une politique qui accentuera la crise que seule la classe ouvrière pourra dépasser en construisant une autre Europe, celle des travailleurs et des peuples.

Yvan Lemaitre