Publié le Jeudi 22 mars 2012 à 17h41.

Mélenchon, « l’insurrection civique » et la question du... gouvernement

Après le succès de la « prise de la Bastille », le Front de gauche devra gérer ses contradictions.Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont répondu, dimanche dernier, à l’appel du Front de Gauche à « reprendre la Bastille » dans une grande marche pour la vie République « sociale, laïque et écologique », ce 18 mars, date anniversaire du début de la Commune de Paris en 1871. Une succès qui confirme la dynamique engagée autour de Jean-Luc Mélenchon au moment où celui-ci se félicite d’avoir franchi la barre des 10 % dans les sondages, un score à deux chiffres.

Et effectivement, Mélenchon bénéficie du tournant qu’a connu la campagne quand, par leurs luttes, les salariéEs d’ArcelorMittal, de Pétroplus, de Fralib ont obligé les candidats à venir faire un tour à la sortie des usines ou à la cantine et imposé la question sociale dans le débat politique. Fidèle à lui-même, le candidat du Front de Gauche parle de... « mélenchonisation » de la campagne. La formule, pour le moins exagérée, contient une part de vérité : le succès de Mélenchon et celui du rassemblement de la Bastille, sont une manifestation du mécontentement ouvrier et populaire qui cherche un moyen de s’exprimer dans la campagne, de se faire entendre et utilise, pour une part, le candidat du Front de Gauche. L’alliance du PCF avec le Parti de gauche, petit parti né de la rupture de Mélenchon avec le PS, auxquels s’ajoutent des petits groupes de la gauche radicale, réussit, sur la base du mécontentement et de la crise, à prendre corps, à créer une dynamique. Indiscutablement et c’est plutôt une bonne chose. Mais cela ne valide en rien la politique du Front de Gauche ni ne supprime ses contradictions.

Le discours de la Bastille en est d’ailleurs une démonstration, un discours de 20 minutes faits de généralités, appelant à « une insurrection civique qui va se donner rendez-vous dans les urnes pour commencer la révolution citoyenne afin de d’améliorer la vie du peuple qui pâtit », et ponctué de références à la patrie et au peuple de France !

Ce discours intervient au moment où commence une nouvelle étape pour le FdG. Pour continuer de progresser, Mélenchon doit donner à sa campagne un nouvel objectif. Passer les 10 %, c’est fait. Aller au-delà implique comme objectif d’inverser le rapport de forces avec le PS. La question gouvernementale ne se pose plus alors simplement en cas de victoire de François Hollande, elle devient la question clé si Mélenchon pose au rassembleur de toute la gauche pour disputer à Hollande la pole position.

Jusqu’alors Mélenchon pouvait garder ses distances et laisser Pierre Laurent expliquer : « Les majorités politiques se constituent au moment des législatives. C’est à ce moment là que l’on tranchera, pas avant. Comme en 1981 ». Il est maintenant dépassé par son succès. S’il dispute le leadership à Hollande, il est obligé, à court terme, de dire clairement sa politique. La discussion n’est plus participation ou pas, mais une politique de gouvernement pour rassembler toute la gauche.

Nous verrons comment le Front de Gauche gérera ses contradictions. Mais nous savons, par l’expérience passée, que les grandes phrases masquent des calculs électoraux bien moins grands qui ont conduit non seulement à des déceptions mais à désarmer le mouvement ouvrier au moment où la bourgeoisie engageait dans les années 1980 son offensive libérale. C’est bien pourquoi il est indispensable que nous soyons présents dans cette campagne pour préparer, aider les travailleurs, la jeunesse à refuser toute politique d’austérité de droite ou de gauche, à défendre leurs propres intérêts, pour aider aussi aux rassemblements de tous les anticapitalistes.

Yvan Lemaitre