Publié le Mercredi 22 mars 2017 à 16h02.

Mélenchon : Marcher jusqu’à République… et après ?

La marche de France insoumise concentre les critiques maintes fois formulées sur la campagne de Mélenchon : son nationalisme autour d’un « sauveur suprême » avançant des mots d’ordre justes mais minimalistes et l’impasse de cette campagne...

La manifestation a été massive (130 000 personnes revendiquées, en réalité beaucoup moins), mais le plus frappant, c’est l’interdiction des drapeaux autres que ces milliers de drapeaux bleu blanc rouge distribués aux manifestants. Utiliser le drapeau des Versaillais comme signe de ralliement le jour de l’anniversaire du début de la Commune, il fallait oser ! Que le PCF et Ensemble l’aient accepté donne la mesure de leur paralysie.

Mélenchon a une fois de plus multiplié les références nationalistes : « La France tendra la main à tous les peuples qui refusent de s’aligner derrière tel ou tel empire », oubliant qu’elle est elle-même une puissance impérialiste de premier plan... Le dirigeant de France insoumise s’adresse à « chaque petite française, chaque petit français, surtout s’il vient de loin », et voit son « Assemblée constituante élue ou tirée au sort parmi les Français », oubliant au passage les millions d’habitantEs qui n’ont pas la nationalité française... et oubliant donc de revendiquer une citoyenneté de résidence.

De Gaulle à la rescousse !

Le point d’orgue du nationalisme visant à effacer les frontières de classes est sans doute la référence à De Gaulle et au rôle historique de la 5e République. Pour indiquer la nécessité d’en finir avec cette « monarchie présidentielle », il nous débite un étonnant discours : « Cette Constitution avait été taillée sur mesure pour un homme exceptionnel, dans des conditions exceptionnelles, pour faire face à un contexte exceptionnel ». Voici donc pratiquement réhabilités dans un même temps le coup d’État de 1958, De Gaulle et l’orientation de l’État français pendant la guerre d’Algérie…

Le One man show permet de faire accepter sans critique ce discours, ces drapeaux et la Marseillaise. On se croirait parfois devant un discours de Macron, lorsque sont acclamés « la règle verte », le « bouclier de Marianne, symbole de la paix », la « dignité animale », des points dont le flou est saisissant... On s’étonne de voir hurler « Résistance ! » à propos de la sortie de l’Otan, sans aucune critique de la politique impérialiste de la France ou de la Russie.

Quelques grammes de radicalité dans un monde pratiquement inchangé

Comme au débat télévisé du 20 mars, Mélenchon égrène diverses propositions élémentaires, mais dont la radicalité semble s’atténuer chaque jour. Pas un mot ce dimanche sur les licenciements ou sur les salaires, la « finance » est critiquée sans que le moindre mot d’ordre soit avancé pour l’empêcher de nuire, par exemple la réquisition des banques ou même un moratoire sur la dette. Aucune mesure de coercition contre le grand patronat n’est envisagée.

On retrouve la vieille idée qu’il suffit de voter pour changer les choses. Mélenchon fait hurler « Dégagez ! », défend une Constituante et la fin de la fonction présidentielle (tout en rappelant que « Notre patrie est le point d’appui pour les grands défis que l’humanité universelle doit relever. Pour la part qui me reviendrait, j’y suis préparé »…), des référendums… mais il n’a pas un mot pour les ­mobilisations sociales.

Pourtant, la transformation sociale n’est pas essentiellement une affaire d’échanges de points de vue, de votes, mais un affrontement entre les classes, des rapports de forces, une rupture avec l’État et la propriété privée des moyens de production. Esquiver ces questions, cela revient à dénoncer une situation en refusant les moyens réels qu’a le monde du travail pour la bouleverser, dans une période où il y a pourtant urgence à le faire...

Antoine Larrache