Depuis que les sondages placent Mélenchon comme possible troisième, voire comme possible candidat de second tour, les discours annonçant l’apocalypse se sont multipliés de toutes parts...
En opérant une remontée fulgurante dans les sondages, Mélenchon devient désormais « l’homme à abattre » pour ses adversaires. Macron et Fillon n’ont de cessent depuis quelques jours de dénoncer son programme « communiste » ou « cubain »... Le Pen dénonce une politique qui laisserait la porte grande ouverte aux migrants... Même Hollande, qu’on avait presque oublié, s’est rappelé à notre bon souvenir pour mettre en garde contre la possible qualification de Mélenchon pour le second tour : « Il y a un péril face aux simplifications, face aux falsifications, qui fait que l’on regarde le spectacle du tribun plutôt que le contenu de son texte », a-t-il notamment déclaré au Point. Mais Mélenchon n’inquiète pas seulement au sein de la classe politique, les éditorialistes et autre « bien-pensants »se sont également lâchés.
Procès en fascisation
À lire certains journaux, le danger Le Pen aurait disparu des radars, certains décrivant même Mélenchon comme tout aussi dangereux que la candidate d’extrême droite, voire plus si affinités. Ainsi le Point n’a pas hésité à faire de Le Pen et Mélenchon « les jumeaux du repli et de la ruine ». Dans les Échos, sous le titre « Tant de façons d’être fascistes », Roger-Pol Droit indique qu’« en matière de possible dérive autoritaire, le patron du Front de gauche n’a rien à envier à la patronne du Front national »... Dans le même journal, Dominique Seux, éditorialiste de France Inter et chantre de la pensée « économique » unique, assène : « Il est temps, vraiment temps, que les yeux se dessillent. Jean-Luc Mélenchon défend un projet insensé que peu de gens ont apparemment lu. »
Si il est vrai que Mélenchon défend l’instauration d’un protectionnisme qui, tout en se réclamant des principes solidaires de la charte de La Havane, prend la forme concrète d’une politique de mise en place de barrières douanières et de contrôles aux frontières, Le Pen, elle est adepte d’une vision raciste, ethnique, de la société. En conséquence, ne pas faire de différence entre les deux... c’est du coup participer à la dédiabolisation du FN et de leurs idées nauséabondes.
Mitterrand, Tsipras et les Insoumis...
Mais ce n’est pas tout : si « Maximilien Ilitch Mélenchon », comme le nomme très finement (!) le Figaro, était élu, ce serait le cataclysme : « explosion des impôts, des dépenses publiques et de la dette », confiscation des richesses… Bref, un emballement sans précédent... qui montre surtout que tous ces éditorialistes ou « spécialistes » n’ont pas bien lu le programme de Mélenchon, qui est moins radical que celui de Mitterrand en 1981.
En effet, son programme économique est dans la ligne des préconisations actuelles du FMI, de l’OCDE, voir de la Commission européenne et de la BCE comme aime le dire l’économiste en chef des Insoumis, Jacques Généreux. Mais ce que celui-ci « oublie » de souligner, c’est que ces institutions veulent poursuivre à marche forcée la libéralisation de l’économie et la remise en cause des acquis sociaux et que rien ne peut les arrêter dans ce système actuel. Et dans les faits, Mélenchon ne tire aucune des leçons de Syriza au pouvoir, avec un Tsipras qui pensait négocier avec ces instances... et qui en très peu de temps s’est retrouvé à mener une politique d’austérité contre le peuple, appliquant les fameux mémorandums européens.
« Je ne suis pas d’extrême gauche »
Sans doute pour rassurer ses détracteurs, voire une partie de son électorat, Mélenchon a dû avouer au plus grand nombre qu’il n’était pas d’extrême gauche. C’est vrai car il pense pouvoir changer les choses sans toucher sensiblement au système capitaliste, sans faire d’incursions dans la propriété privé et sans mobilisation populaire... au-delà de celle dans les urnes.
Nous préférons évidemment la dynamique actuelle Mélenchon à l’idolâtrie autour de Macron. Mais nous pensons aussi que nous ne représentons pas la même « gauche », le même projet, et que c’est pour cela que nous avons la légitimité d’être présent. Car pour le NPA et son candidat Philippe Poutou, s’inscrire dans la perspective d’une transition sociale et écologique réelle, c’est se préparer à un affrontement avec le capital. La suite dépendra du « rapport de forces », en France et en Europe, c’est-à-dire comme l’ont montré toutes les expériences passées, de la lutte des classes.
Sandra Demarcq