Publié le Jeudi 17 septembre 2020 à 08h43.

Ne masquons pas nos colères… reprenons l’offensive

Des centaines de milliers de suppressions d’emplois d’un côté, des cadeaux sans limite au patronat de l’autre, il est temps de construire une riposte sociale contre le gouvernement et le patronat.

 

320 suppressions d’emplois annoncées à Figeac-Aéro dans le Lot ; 290 annoncées à Stelia, filiale d’Airbus dans la Somme ; 186 annoncées à Cargill dans le Nord et 200 annoncées pour Verallia en Gironde, qui s’ajoutent à celles de Courtepaille, La Halle, Renault, ADP, Alinéa, Nokia, Airbus… la liste des entreprises qui licencient n’en finit plus en cette rentrée. Selon la Dares, entre le 1er mars et le 19 juillet, 275 plans sociaux ont été enregistrés supprimant ainsi près de 45 000 postes sur l’ensemble du territoire. S’ajoute à cela les 2 000 « petits licenciements collectifs » sans oublier la fin des CDD, des contrats intérimaires et l’explosion des Accords de performance collective (APC) permettant aux patrons de baisser les salaires et/ou de dégrader les conditions de travail pour soi-disant maintenir l’emploi. Mais on le sait, cela n’est que temporaire comme ce fut le cas pour les salariéEs de SMART en Moselle qui avaient accepté de travailler deux heures de plus par semaine gratuitement en 2015 et dont l’annonce de la délocalisation de leur usine vient d’être confirmée. L’accord aura au final permis au patron de dégager un peu plus de profits…

En cette rentrée, il y a 800 000 privéEs d’emplois de plus. L’hécatombe est loin d’être terminée surtout que la crise sanitaire est un bon prétexte et que ce gouvernement comme ceux précédemment ne met aucun bâton dans les roues des entreprises pour freiner cette spirale infernale, bien au contraire. Surtout que tout a été fait depuis des décennies pour faciliter les licenciements, les fins de contrats… Qui se rappelle aujourd’hui que jusqu’en 1986, licencier était soumis à autorisation administrative ? Même si cela n’empêchait pas réellement les licenciements, ils étaient tout de même plus difficiles à mettre en œuvre. Le rêve du Medef a été exaucé par les différents gouvernements et plus particulièrement par Hollande et Macron avec leurs différentes lois en la matière. Et ils ont ainsi, comme le souhaitait le patronat, détruit le code du travail et la protection des salarié.es en avançant toujours les mêmes arguments : favoriser la compétitivité des entreprises et l’emploi. Mais cet argument est un fake puisque ces politiques n’ont permis qu’une seule chose : précariser en toute impunité toujours plus les salariéEs et augmenter les dividendes versés aux actionnaires.

 

Open-bar pour le patronat

Pour faire face à la plus grave crise économique depuis 1929, Castex et Le Maire viennent de mettre sur la table 100 milliards d’euros sans conditions… pour le patronat – on comprend mieux la très grande satisfaction du Medef à l’annonce du plan de relance. Selon eux, cela permettra de relancer l’économie. Renouant ainsi avec les mêmes vielles recettes. En effet, les mesures d’exonérations d’impôts et de cotisations se sont multipliées et ont été empilées depuis 10 ans ; exonération Fillon sur les bas salaires, Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), devenu depuis allègements pérennes des cotisations sur les salaires allant jusqu’à 2,5 SMIC… Et comme les précédents cadeaux, les 100 milliards donnés aujourd’hui aux entreprises ne « sauveront » en rien l’emploi, ne permettront pas d’augmenter les salaires ni même de développer les services publics. Et une fois encore, la politique de Macron permettra aux plus grandes entreprises et aux plus riches de maintenir leurs profits et leurs richesses et non, comme l’a indiqué le ministre de l’Économie lors de la présentation du plan de relance, de « lutter contre les inégalités ».

Si nous devions avoir la preuve que la politique de Macron était une politique pour les « ultra-riches » et qu’elle accentuait les inégalités, avec le dernier rapport de l’INSEE, c’est chose faite. En effet, les inégalités de niveau de vie se sont très fortement creusées en France en 2018. Et le rapport prouve que les politiques fiscales mises en place sous Macron n’ont profité qu’aux plus riches (bouclier fiscal, fin de l’ISF...) Quant au niveau de vie des plus pauvres, sans grande surprise non plus, il recule. « Le ratio de revenus entre les 20 % les plus pauvres et les 20 % les plus riches s’accroît de 0,13 point, […] une hausse assez rare en période de croissance. En 2018 en France, les 20 % les plus riches détiennent 39 % de la “masse totale des niveaux de vie”, contre 9 % pour le cinquième le plus pauvre. »1 Et rappelons-nous que la loi de finances de 2018 prétendait être celle du « pouvoir d’achat ». Mais, comme vient de le dévoiler le plan de relance, ce gouvernement n’est pas prêt à changer de politique. Puisqu’encore une fois, il a préféré consacrer 20 milliards d’euros à la baisse des impôts à la production plutôt qu’à une politique en faveur des salariéEs, des retraitéEs, des jeunes. Tout le monde a remarqué que seulement 800 millions d’euros étaient prévus par le plan en faveur des plus démuniEs. Mais rien concernant l’augmentation du SMIC en hommage notamment aux premierEs de corvée du confinement, rien concernant l’augmentation des minimas sociaux… Et encore moins pour les services publics et en particulier celui de la santé.

Voilà huit mois que l’épidémie a commencé et le gouvernement n’a pas été capable de redresser le système de santé. Pourtant, les hospitalierEs et leurs organisations expliquent depuis le début ce qu’il faudrait faire : rouvrir l’ensemble des lits supprimés depuis 15 ans, embaucher 100 000 personnes, socialiser et planifier la production de respirateurs et d’anesthésiants... Pendant le pic de la pandémie, on nous expliquait que ce n’était pas possible dans l’urgence. Mais aujourd’hui, il est tout simplement criminel de ne rien faire en ce sens surtout que tous les signaux sont au rouge et que dans de nombreuses villes, la situation est de plus en plus tendue. Et au lieu de créer des postes dans les hôpitaux, le social et l’éducation, le gouvernement va créer 2000 postes supplémentaires dans l’assurance maladie et les ARS pour contribuer au « traçage » des cas contacts et la durée de la période d’isolement est ramenée à 7 jours et des « contrôles » de celle-ci seront effectués.

 

L’unité et la convergence : une urgence !

Face à une rentrée marquée par la crise sanitaire et économique, la question de l’unité et de la convergence des luttes est une réelle urgence. Nous savons que cette pandémie est dans tous les esprits et la gestion catastrophique du gouvernement ne doit pas évincer celle du patronat, surtout que la Direction générale de la Santé a montré que les entreprises constituaient 29 % des clusters identifiés. Le gouvernement insiste sur la responsabilité individuelle en appelant à un « civisme exigeant » et en expliquant que « demain dépend de vous, de nous » mais ne donne aucune consigne au patronat qui en profite pour faire le minimum pour la protection de la santé des salariéEs et pire ici ou là en profite pour détériorer les conditions de travail. Mais malgré ce contexte très dégradé, les luttes s’organisent dans de nombreux lieux de travail, y compris dans les secteurs les plus précaires. Les luttes pour le climat, contre les violences policières, contre toutes les discriminations, et notamment celles des sans-papiers pour leurs droits, sont toujours aussi fortes et de nombreuses initiatives sont prévues. Une question d’autant plus importante, à l’heure où le gouvernement est très offensif en particulier par la voix du ministre de l’Intérieur et de sa secrétaire d’État sur les questions sécuritaires, de « séparatisme » et d’immigration. Le gouvernement a fait le choix de jouer la surenchère raciste et sécuritaire : nous ne devons pas laisser faire, et nous préparer à lutter touTEs ensemble contre la future loi « séparatisme » qui stigmatisera et discriminera encore un peu plus. En cette rentrée, nous devons aider aux mobilisations, à toutes les mobilisations et ça tombe bien car elles sont d’ores et déjà nombreuses : 12 septembre pour les Gilets jaunes, 17 septembre pour une journée de grève interprofessionnelle, le 19 septembre qui lancera les marches des sans-papiers qui arriveront à Paris le 17 octobre, et les 25 et 26 septembre seront l’occasion de mobilisations écologiques et sociales dans toute la France, marquées par l’anniversaire de la catastrophe de Lubrizol.

Afin d’aider à la convergence et à l’unité des luttes, un véritable plan de bataille sera nécessaire pour aller au-delà d’une seule journée de grève interprofessionnelle et qui devra s’articuler autour de revendications sociales, écologiques et démocratiques. L’urgence sociale tout comme l’urgence climatique, l’urgence de lutter contre le racisme d’État et les discriminations, contre les violences sexistes ont pris plus d’acuité avec la pandémie. Dans tous ces domaines, la nécessité démocratique de pouvoir contrôler nous-mêmes, décider nous-mêmes des choix qui conditionnent notre existence apparait plus prégnante. La crise lancinante des institutions politiques, la perte de crédibilité du gouvernement rendent encore plus nécessaire de lier ces exigences de démocratie et de satisfaction des besoins sociaux. Dans ce contexte, nous avons aussi une responsabilité à proposer des perspectives politiques, contribuer aux débats sur les mots d’ordre des mobilisations, proposer des revendications transitoires qui attaquent l’État et la propriété privée des moyens de production : pour l’interdiction des licenciements et suppressions de postes, pour l’embauche massive dans les services publics, pour la réduction du temps de travail sans perte de salaire, pour la socialisation des banques, le prélèvement massif sur les richesses et les hauts revenus, pour la fourniture gratuite des masques, des tests et des remèdes pour se protéger du coronavirus, pour la liberté de circulation et d’installation pour ce qui concerne les mobilisations antiracistes, pour l’écosocialisme contre un capitalisme qui continue sur une trajectoire folle pour l’environnement.

On le voit, une offensive globale contre le monde du travail est en cours. Le « jour d’après » tant imaginé pendant le confinement deviendra le « jour d’avant en pire » si nous ne faisons rien. Et malheureusement, nous constatons que pour la « gauche », de la plus timorée à la plus radicale, l’heure n’est qu’aux grandes manœuvres de rassemblement, recomposition, reconstruction autour d’un « homme providentiel » pour… gagner la présidentielle de 2022.

Certes, la convergence des luttes ne se décrète pas. Mais face à une offensive centralisée et cynique, la coordination des ripostes devrait être à l’ordre du jour de toutes et tous. C’est pour cela que nous proposons aux organisations réunies dans le collectif auteur du « plan pour une sortie de crise », ainsi qu’aux organisations politiques qui partagent l’idée que ce n’est pas aux salariéEs ni à la population de payer la crise sanitaire, de se réunir pour discuter d’une campagne commune ; il s’agit aussi de discuter des moyens à mettre en œuvre pour imposer la gratuité, y compris sans attendre l’action gouvernementale, c’est-à-dire des moyens comme l’organisation de réseaux de fabrication, la réquisition et la distribution de stocks disponibles, le contrôle des prix des produits et services… Les semaines et les mois qui vont venir vont être déterminants pour construire et renverser les rapports de forces entre les classes sociales et pour savoir qui va, au dénouement de la crise sanitaire, l’emporter : le camp de la domination ou notre camp social ?

Agir pour construire une autre société

La situation actuelle est inédite et est centrée autour de la crise sanitaire qui malheureusement est loin d’être terminée… En effet, partout, sur tous nos lieux de travail, les salariéEs se battent pour que leur vie ne soit pas en danger alors, que pour le gouvernement et le patronat, seule la relance économique, la course aux profits sont importants. Mais cette crise sanitaire, comme nous l’avons vu, engendre et accélère la catastrophe sociale (chômage, précarité, pauvreté). Nous devons évidemment par les luttes, les résistances, empêcher les fermetures d’usines, de sites, les suppressions d’emplois, lutter pour l’emploi, pour le partage du travail, pour augmenter les salaires et être présentEs sur tous les fronts : écologiques, féministes, antiracistes, au côté des migrants, des Gilets jaunes, des victimes de violences policières… Continuer coute que coute car nous savons très bien comme l’a prouvé le mouvement des Gilets jaunes ou les mobilisations contre les violences policières après le confinement qu’il peut y avoir, à tout moment, irruption de dizaines de milliers de personnes sur le devant de la scène. De plus en plus de personnes refusent de rester spectateurs/trices des décisions politiques qui les concernent au premier chef et laisser quiconque les déposséder de la possibilité de décider de leur propre sort.

Il faut donc plus que jamais résister mais pas seulement. En effet, la situation ouverte par la crise sanitaire nous pousse à aller plus loin : agir pour construire une autre société. Et pour cela ne pas avoir peur « d’inventer et penser l’inconnu » comme le disait Daniel Bensaïd, le plus largement possible. Il y a urgence de discuter, de réfléchir, d’élaborer pas seulement de revendications immédiates, transitoires mais aussi de questions stratégiques comme celles du pouvoir, de la violence étatique, politique et sociale ; des rapports de forces de domination (racistes, sexistes et sexuels) ; du rapport au productivisme et à la consommation ; du rapport au travail qui a été longuement re-questionné avec les politiques libérales, la précarisation, la robotisation et la numérisation. Faire cela permettra d’inventer un projet d’émancipation qui soit suffisamment majoritaire pour renverser le système capitaliste par la révolution.

 

En cette rentrée, pour les anticapitalistes et les révolutionnaires, il s’agit donc plus que jamais d’articuler riposte unitaire et massive face à l’offensive de la bourgeoisie et défense de la perspective globale d’un renversement du système, seule issue face à la barbarie qui nous guette. Un programme de luttes, de résistances et de transformation révolutionnaire de la société qui nécessitera le développement d’un outil politique adapté, un parti anticapitaliste, révolutionnaire, large, utile à touTEs les oppriméEs et les exploitéEs !