Les Paradise Papers se sont invités dans l’actualité depuis plusieurs semaines, et les réactions du gouvernement ont été loin d’être à la hauteur. Un mutisme révélateur.
La nouvelle enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a permis, une nouvelle fois, de révéler les pratiques des plus riches pour éviter l’impôt.
« Optimisation » et fraude fiscales
Les Paradise Papers viennent ainsi de dévoiler comment les plus grandes entreprises, tout comme certains individus très riches, délocalisaient leurs bénéfices ou leur revenus dans des zones de fiscalité très avantageuse leur permettant de ne payer qu’un minimum d’impôts (quand ils en payent). Parmi les groupes et individus épinglés, Nike, Apple, Facebook, Whirlpool, Dassault Aviation, Engie, Total, François Pinault, Patrick Drahi, etc.
Dans les faits, cela s’appelle de l’optimisation fiscale, et c’est légal. Mais ce système permet de faire disparaître des caisses de pays de l’Union européenne entre 120 et 130 milliards d’euros chaque année, dont environ 20 milliards d’euros rien que pour la France. Sans compter qu’il convient d’ajouter, à cette « optimisation fiscale », les montants de la fraude fiscale.
Dans une période où la baisse des dépenses publiques a le vent en poupe et où le gouvernement prend prétexte de l’« équilibre budgétaire » pour faire les poches à la majorité du monde du travail, on se dit devant un tel déballage qu’il devrait logiquement aller chercher l’argent là où il se trouve : aux îles Caïmans, sur l’île de Man, mais aussi aux Pays-Bas, à Malte, en Belgique ou en Irlande.
Deux poids deux mesures
Mais face à ce nouveau scandale, le gouvernement Macron a été bien discret. Le Premier ministre Édouard Philippe, interpellé à ce sujet sur France Inter, a défendu l’optimisation fiscale puisqu’il s’agissait d’une procédure légale, alors que ces montages financiers complexes frôlent très souvent l’illégalité. Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, a donné de la voix à l’Assemblée nationale en indiquant que « l’évasion fiscale était une attaque contre la démocratie » et qu’il ferait des propositions à Bruxelles pour plus de transparence. Et puis, et puis… C’est tout. Rien d’autre à part les traditionnelles réactions indignées des uns et des autres, ou les réactions d’étonnement comme celle de Moscovici qui a semblé découvrir qu’il y avait de l’évasion fiscale, voire des paradis fiscaux : « Les révélations des Paradise Papers sont vertigineuses. Le monde opaque de l’évasion fiscale apparaît soudain au grand jour. » On croit rêver.
Nous sommes donc face à un gouvernement qui, d’un côté, stigmatise les chômeurEs qui, d’après certains députés LREM, sont des fraudeurs partant « en vacances aux Bahamas grâce à l’assurance chômage » et doivent être donc plus contrôlés et, de l’autre, défend le droit à l’« optimisation » pour ceux qui détournent des milliards d’euros chaque année, et se contente de simples déclarations d’intention sans mesures concrètes contre la fraude.
Cela montre, une fois encore, que pour ce gouvernement les « premiers de cordée » sont les seuls à satisfaire. Lutter efficacement contre l’évasion fiscale et/ou la fraude, ce n’est pas supprimer l’ISF ou baisser l’impôt sur les sociétés. Il y a au contraire urgence à agir en adaptant la législation fiscale et en renforçant le contrôle fiscal. Mais ça, a priori, le président des ultra-riches ne veut pas en entendre parler. Étonnant, non ?
Joséphine Simplon