Macron n’a rien remis en cause d’essentiel de ce qu’il a fait depuis son arrivée. Et les mauvais coups continuent, en dépit de l’exigence de justice sociale qu’expriment les Gilets jaunes. L’apparence d’écoute du « Grand débat » et la parlote ne sont pour Macron qu’une technique de combat.
Macron a un diagnostic et un projet. Le diagnostic, c’est que la France est un pays resté archaïque et encore pas suffisamment adapté au capitalisme moderne du fait de l’héritage notamment de la Libération (sécurité sociale, services publics) et de la période entre 1945 et 1982 (SMIC, rôle des syndicats, retraites, impôt sur la fortune, etc.). Le projet, c’est de remettre en cause tout cela. Ce qui a commencé à être méthodiquement mis en œuvre durant les 18 premiers mois du mandat de Macron.
Ce qui a déjà été fait
– Suppression de l’impôt sur la fortune, revenus du capital sortis de l’impôt sur le revenu, hausse de la CSG des retraitéEs et suppression progressive de la taxe d’habitation qui va se traduire sans doute par des compressions des dépenses des communes ;
– Désindexation des prestations sociales et des retraites : sauf exceptions, elles vont augmenter moins vite que les prix ;
– Refus du moindre « coup de pouce » au SMIC ;
– Renforcement du rôle de la CSG dans le financement de la Sécurité sociale, poursuite des restrictions de personnel et fermetures de services dans les hôpitaux ;
– Réformes par ordonnances avec une réduction du rôle de la négociation de branche, des règles assouplies pour les licenciements et plans « sociaux », une compression de la représentation du personnel… Désormais, de nombreuses règles seront fixées au niveau de l’entreprise.
– Réforme de la SNCF et poursuite des projets de démantèlement des « petites lignes », soit en les fermant, soit en les asphyxiant par manque d’entretien ;
– Une succession de contre-réformes dans l’éducation (voir page 9) ;
– Pour ce qui est du logement, la réduction des APL est emblématique d’une politique qui vise à réduire le logement social et à faire confiance aux promoteurs privés.
Ce qui continue ou est dans les tuyaux
Le mouvement des Gilets jaunes a contraint Macron à reculer sur un point : la vitesse de réduction du déficit. Alors qu’il aurait été facile de la comprimer en revenant en arrière sur l’ISF et le gonflement du CICE (à près de 40 milliards en 2019), c’est niet. D’où les questions hypocrites de la lettre de Macron sur les impôts et dépenses qu’il faudrait réduire.
Pour tout le reste, avec du blabla, plus de considération apparente pour les prétendus « partenaires sociaux » (et grâce à la servilité de certaines directions syndicales), le chantier de démolition continue :
– Aucune inflexion des fermetures de lignes SNCF ;
– Poursuite du démantèlement des bureaux de poste ;
– Pas d’arrêt des compressions de services hospitaliers : trente-cinq maternités seraient aujourd’hui en danger, après la fermeture de 40 % des établissements de cette catégorie en dix ans.
Soit trois « réformes » qui signifient plus de déplacements nécessaires pour les habitantEs des périphéries et des campagnes : les manants pourront rouler plus vite avec la remise en cause des 80 km/h que Macron, grand prince, concède. Et ce n’est pas tout :
– Réforme des lycées professionnels dont l’objectif est de désengager l’État de ces filières, et de déléguer l’ensemble à la gestion décentralisée (donc inégalitaire) des collectivités territoriales et des entreprises ;
– Réforme de la fonction publique, pour le moment retardée, tandis que les salaires restent gelés (sauf pour la police) ;
– Pour ce qui est des chômeurEs, le décret du 30 décembre a d’ores et déjà durci les sanctions et le gouvernement a fixé le cadre des « négociations » en cours : 3,9 milliards d’économies en 3 ans sur le dos des privés d’emploi ;
– Enfin, réforme des retraites dont l’objectif premier est de retarder les départs sans se préoccuper de ceux et celles qui ont eu des périodes de chômage, qui ont des problèmes de santé : ceux qui sont contraints de partir avant l’« âge de référence » devront se débrouiller.
Sur l’essentiel, Macron n’a pas cédé d’un pouce et son chantier de démolition continue. Son « Grand débat » lui sert à préparer les européennes et à lâcher, de temps en temps, devant des élus souvent sélectionnés, des petites annonces qui ne répondent pas à l’exigence de justice sociale ; outre l’affaire des 80 km/h, c’est le glyphosate dont la suppression est reculée malgré les bonnes paroles antérieures !
Henri Wilno