Publié le Mercredi 9 juin 2021 à 12h39.

« Plutôt Hitler que le Front populaire »

Raphaël Enthoven est un habitué des plateaux télé et des stations de radio, et il anime une chronique matinale sur Europe 1. Ce « professeur de philosophie médiatique » (selon une formule d’Acrimed) aime donner des leçons de morale, faussement iconoclaste mais toujours bourgeoise, et distribuer les bons et les mauvais points. Il se pose aussi en « débatteur », toujours arrogant et jamais à l’abri d’une petite ou d’une grosse perfidie, et se vante de ne pas hésiter à « mettre les mains dans le cambouis », se rendant par exemple sur C-News dans l’émission de Zemmour.

Le 7 juin, Raphaël Enthoven s’est fendu d’un long « thread » (succession de tweets) sur Twitter, dont l’objectif était de répondre à la question : « Imagine, au 2e tour, Mélenchon se retrouve face à Le Pen, tu votes pour qui ? » On s’épargnera ici de citer l’ensemble des arguments examinés1, pour en arriver directement à la conclusion : « Je peux encore changer d’avis, mais je crois que, s’il fallait choisir entre les deux, et si le vote blanc n’était pas une option, j’irais à 19 h 59 voter pour Marine Le Pen en me disant, sans y croire, "Plutôt Trump que Chavez". »

Raphaël Enthoven est un malfaisant, qui ne manque jamais une occasion de s’en prendre aux féministes, aux antiracistes ou à Greta Thunberg, mais ce n’est pas un idiot. Ce dandy réac sait parfaitement que son « Plutôt Trump que Chavez » fait écho au tristement célèbre « Plutôt Hitler que le Front populaire » des années 1930, marque de fabrique d’une bourgeoisie consciente de ses intérêts de classe et préférant le fascisme, pro-capital et anti-ouvrier, à la perspective d’un pouvoir se revendiquant de la défense des classes populaires.

Certes, Raphaël Enthoven ne représente pas une organisation ou un quelconque collectif. Mais il incarne depuis de nombreuses années, par ses prises de position et ses interventions médiatiques, ce courant idéologique qui, au nom d’une défense de prétendues « valeurs républicaines », a repris petit à petit à son compte nombre d’antiennes de l’extrême droite tout en prétendant la combattre « sur son terrain ».

En affirmant qu’il pourrait envisager de voter Le Pen contre Mélenchon, Raphaël Enthoven ne fait pas que démontrer que les logiques de classe restent structurantes, y compris lorsque la menace fasciste se précise. Il confirme que bien des digues continuent d’être rompues chaque jour, et l’urgence d’une riposte sociale et antifasciste est bien là, avant qu’il ne soit trop tard.