« La France face à la guerre ». Tel était le nom de l’émission spéciale de TF1, organisée dans le cadre de la présidentielle, le 14 mars. L’occasion de vérifier au moins trois choses : Emmanuel Macron est un président-candidat arrogant ; le « débat » de la présidentielle se déroule dans des conditions peu démocratiques ; à l’heure où la guerre fait rage en Ukraine, aucun des candidats institutionnels ne porte une voix réellement internationaliste.
C’était donc un « débat à huit ». Enfin « débat » est un bien grand mot, puisque ce à quoi nous avons assisté, et qui va malheureusement se reproduire, est une succession d’interviews des prétendus « gros » candidats, sans aucune forme d’échange et sans possibilité de mettre les uns et les autres devant leurs responsabilités, leurs contradictions, leur démagogie. Et ils et elles n’étaient que huit puisque, au motif des règles du temps de parole fixé par l’Arcom (ex-CSA), quatre candidats n’avaient pas voix au chapitre : Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Jean Lassalle et Philippe Poutou. Et tant pis pour la démocratie, et tant pis pour les maires et autres élu·e·s qui ont parrainé ces quatre là : leur parrainage vaut moins, aux yeux de l’Arcom et de TF1, que celui de ceux qui ont parrainé Macron, Zemmour, Le Pen et consorts.
Scandaleuse exclusion
Nous avions évidemment protesté contre cette exclusion de Philippe Poutou. Comme si une candidature comme la nôtre risquait de bénéficier de trop de temps de parole ! Et nous nous sommes adressé aux candidatures de gauche (au sens large, c’est-à-dire en y incluant touTEs les candidatEs se revendiquant de la gauche) en ces termes : « Nous considérons que ce type d’initiative va à l’encontre de l’organisation du débat démocratique qui devrait pouvoir se mener entre tou·te·s les candidats, a fortiori lorsque ceux-ci et celles-ci ont franchi la barrière – déjà – anti-démocratique des parrainages. […] Nous vous proposons donc d’échanger au plus vite avec vous sur le type de protestation collective que nous pourrions envisager face à ce flagrant déni de démocratie qui pourrait, en l’absence de réaction, en entraîner d’autres durant le reste de la campagne. »
Nous n’avons malheureusement pas eu de réponse, si ce n’est celle, indirecte, de Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, qui a expliqué sur Twitter avoir contesté, lors des rendez-vous préparatoires à l’émission, l’exclusion de certaines candidats, sans résultat. À l’arrivée, l’émission s’est déroulée sans esclandre, et aucunE candidat n’a fait remarquer le caractère anti-démocratique des exclusions. Dont acte. C’est un mauvais signe pour la suite, mais nous n’avons pas renoncé à protester et construire le rapport de forces contre le traitement inégalitaire des candidatEs, dont l’évidence est telle qu’il a donné lieu à de multiples protestations spontanées, entre autres et notamment sur les réseaux sociaux.
Leur internationalisme et le nôtre
Sans surprise, on a vu un Emmanuel Macron hautain et sans aucune contradiction réelle, dérouler avec une fierté malsaine son bilan et adopter la posture du chef de guerre, du protecteur des peuples. Les candidats de la droite extrême et de l’extrême droite ont été égaux à eux-mêmes, rivalisant de nationalisme, de patriotisme et de militarisme. Du côté de la gauche (au sens large), outre des divergences, notamment sur le positionnement par rapport à l’OTAN, le moins que l’on puisse dire est qu’aucune voix réellement internationaliste ne s’est fait entendre. Car l’internationalisme, tel que nous l’entendons et tel qu’il a été construit dans l’histoire du mouvement ouvrier, a pour moteur une solidarité entre les peuples et un refus de toute complicité, active ou passive, avec tel ou tel impérialisme, tel ou tel régime oppresseur, et de toute logique visant à jouer un impérialisme contre un autre, y compris et notamment notre propre impérialisme.
C’est ce que l’on n’entend pas des principaux candidats, et ce que l’on n’a donc pas entendu lundi soir sur TF1. C’est ce que nous défendons dans le cadre de la campagne de Philippe Poutou : une opposition totale à l’intervention de Poutine en Ukraine ; l’exigence du retrait des troupes russes ; une solidarité avec la résistance ukrainienne, armée et non-armée ; un soutien aux militantEs antiguerre en Russie ; le refus de toute intervention directe de l’OTAN ; l’exigence du démantèlement de cette dernière, et de toutes les alliances militaires mettant en danger les peuples ; la construction d’une campagne internationale pour la démilitarisation et le refus de tous les discours chauvins et va-t-en guerre.
C’est ce que nous continuerons de porter dans cette campagne, en nous donnant les moyens que cette voix soit entendue, n’en déplaise à ceux qui défendent le caractère antidémocratique des institutions de la 5e République – ou qui s’y adaptent. Et une chose est certaine : nous n’avons pas dit notre dernier mot, et même si certains ne le veulent pas, on est là !