On peut le dire, les propositions de primaires à gauche suscitent de nombreux débats...
Le 11 janvier dernier dans le journal Libération, des membres ou proches d’Europe Écologie-Les Verts, des chercheurEs, des artistes... ont lancé un manifeste pour « la primaire des gauches et des écologistes » avec un appel à signatures sur internet « pour réanimer le débat politique, pour se réapproprier l’élection présidentielle, pour choisir notre candidat-e ! ». Dans la foulée, des militantEs féministes, écologistes, syndicalistes, associatifs, proposent avec « la primaire de gauche » (au singulier) de l’organiser concrètement pour « Changer de politique pour (re)trouver le chemin du progrès et du partage des richesses. Changer la politique pour qu’elle soit connectée aux aspirations des citoyennes et des citoyens. »
Relégitimer François Hollande ou s’en débarrasser ?
Derrière cette effervescence et un certain écho, cohabitent plus ou moins explicitement des projets politiques différents voire antagoniques. Pour les uns, comme Daniel Cohn-Bendit, il s’agit très clairement d’éliminer les concurrents potentiels de Hollande pour lui laisser une chance d’accéder au second tour parce que « l’ensemble des candidats à la primaire sera tenu d’en soutenir le vainqueur… ». Pour d’autres comme l’économiste Bernard Marx, « Si François Hollande gâche… pardon, gagne la primaire, la gauche est morte »...Une question qui en amène d’autres : Avec ou contre le Parti socialiste ? Pour combattre ou pour aménager les politiques austéritaires et autoritaires ? Des questions qu’il est impossible de continuer de faire semblant d’ignorer.Une primaire « sur les valeurs de la gauche, qui rompe avec les errements du pouvoir actuel » dit le PCF, une primaire « pour que la gauche d’alternative trouve un candidat commun » dit Clémentine Autain d’Ensemble, actant que les « deux orientations ne sont pas compatibles ». Beaucoup plaident pour une primaire sans le PS, mais le problème n’est pas résolu pour autant.
Ni César ni tribun !
Les tenants des primaires, qu’elles soient « des gauches et des écologistes » ou de la « gauche de la gauche », mettent toutes et tous en avant la « réappropriation citoyenne » de la politique, affirment vouloir « changer les termes du débat et les règles du jeu », annoncent « d’abord un grand débat, ensuite un candidat », bref proclament haut et fort leur volonté de parler du fond avant le casting. Il y aurait de quoi se réjouir de voir enfin un tel mouvement de rejet de l’hyper-personnalisation de la politique et un tel engouement démocratique. Mais le contenu ne correspond pas à l’emballage car il y un bug dès le départ, un vice de fabrication. L’élection présidentielle, véritable vestige de la monarchie, est par définition antidémocratique... et donc impossible à démocratiser.Des militantEs du mouvement social, des chercheurEs, des milliers d’hommes et de femmes... font de la politique dans et par leurs engagements. De plus en plus nombreux sont celles et ceux qui ne se sentent pas représentéEs par les partis existants. Qu’ils et elles cherchent à donner une expression à ces engagements, à ces solidarités, à ces résistances, à faire entendre le projet de société que celles-ci dessinent, est sans doute la seule voie possible pour redonner une perspective émancipatrice. Que cela puisse éventuellement avancer à l’occasion de la présidentielle exigerait d’imaginer collectivement une « autre campagne » rompant radicalement avec la logique de la présidence, et donc de la primaire, pour mettre au cœur l’auto-organisation et la volonté de se représenter soi-même.
Christine Poupin