Publié le Mercredi 21 décembre 2022 à 13h00.

Quand France-Maroc sert de prétexte à un déluge raciste et colonial

L’irruption de l’équipe du Maroc dans la compétition au Qatar et le soutien qu’elle a engendré dans les pays du Maghreb et en France a réveillé les vieux réflexes racistes et coloniaux de certains Français. Déjà samedi, lors de la qualification de la demi-finale, la police a utilisé les lacrymos et les charges contre des gens venus simplement fêter la victoire de cette équipe.

Pour beaucoup, à droite et à l’extrême droite, l’expression de l’existence à la fois sur le terrain et dans la rue (klaxons, drapeaux) de personnes d’origines arabes célébrant cette origine est une source d’énervement. Les pseudos débordements montés en épingle par les fachos sur les réseaux sociaux ne cachent ni l’hypocrisie ni la volonté de ne pas permettre cette expression de manière publique. La France est habituée à ce genre de répression : en 2014 à propos du Sénégal, en 2000 pour l’Algérie, les manifestations de joie lors de la victoire ont été violemment réprimées.

Libération et banalisation de la parole raciste

Le match France-Maroc du mercredi 15 décembre a réactivé ce réflexe colonial d’autant plus que les deux équipes s’affrontaient sur le terrain. La plupart des médias de droite ont passé les jours et heures avant le match à « préparer » l’opinion, via leurs éditorialistes ou en donnant le micro à tout ce qui se fait de politicards droitiers : « Tout le monde a peur d’une guerre, d’une guérilla et d’une guerre civile », pour le maire du 8e arrondissement de Paris. Pour Pascal Praud (CNews) : « Les seuls problèmes de la Coupe du monde sont après les matchs du Maroc. » Pour Laure-Alice Bouvier, toujours sur CNews : « On peut se demander si l’on n’a pas un inconscient collectif qui conduit ces pays longtemps sous la coupe de pays européens à prendre leur revanche ».

On a vu aussi revenir le débat sur l’interdiction des célébrations et celle de brandir des drapeaux — étrangers — comme pour les mariages. Il y a eu une telle libération de la parole raciste que le sénateur Stéphane Ravier (RN) a demandé à la préfecture de police de Marseille d’interdire les drapeaux marocains mercredi à l’occasion de la demi-finale de la Coupe du monde. Pour lui, « les Marseillais n’ont pas à subir les hordes de voyous venus célébrer en cassant, agressant des passants ou attaquant des policiers, et en la matière vaut mieux prévenir que guérir. »

Un contexte qui donne des ailes aux fachos

Ces injonctions ont été bien comprises par plusieurs groupes fascistes bénéficiant de toute l’impunité et de la légitimité conférées par en haut pour agresser dans plusieurs grandes villes les supporteurs marocains — mais en pratique n’importe quel racisé — se promenant à ce moment-là. Près de 40 fafs ont été interpellés à Paris avant d’arriver sur les Champs-Élysées, et plusieurs attaques à la matraque ont eu lieu à Lyon. Malgré la présence de plusieurs dizaines d’entre eux, seuls deux ont été interpellés.

L’horreur absolue est venue de Montpellier, où un jeune garçon de 14 ans a été tué, écrasé par une voiture juste à la fin du match. L’auteur (dont on a récupéré la voiture) court toujours.

Avec 88 députés RN, des groupes de médias ouvertement d’extrême droite, des soutiens plus ou moins assumés à droite et dans la police, le racisme a pris place au sein de notre société. Même fêter une victoire sportive peut se révéler dangereux. Loin d’être des anomalies dans le champ politique, les groupes de fafs ne sont que le reflet de la dynamique dangereuse prise ces dernières années. Il devient urgent de développer des solidarités actives dans les prochains mois et semaines pour se défendre concrètement contre cette vague.