Alors que la crise du COVID-19 n’est pas près de s’estomper, le gouvernement accentue le tournant autoritaire de l’État, en installant à présent des couvre-feux dans toute l’Île-de-France et dans les grandes métropoles en zones dites « écarlates ». De l’autre côté, le mouvement ouvrier est en manque de stratégie alors que la vague des licenciements continue...
La progression de la pandémie continue. Si la situation en France n’a pas l’aspect catastrophique des mois de mars et avril, les hôpitaux dans certaines régions recommencent à s’engorger. En Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France métropolitaine, lundi 12 octobre, 63% des lits de réanimation étaient occupés1. Aucune embauche massive de personnel soignant n’ayant été effectuée à l’APHP, on refuse même leurs congés aux travailleurs/ses2. Certains continuent même à soigner en étant malades.
De même, la rentrée s’est faite dans la désorganisation la plus totale dans l’Éducation nationale comme dans l’enseignement supérieur. Alors qu’un tiers des clusters s’y trouvent, rien n’est fait pour améliorer les conditions de vie et d’études. Macron lors de ses annonces, le 14 octobre, se félicitait que la rentrée ait été une réussite. Selon qui ? On n’en saura rien, car le gouvernement refuse d’écouter les personnels des établissements, les élèves ou leurs parents.
Aucune embauche de professeurs et de personnels n’est envisagée alors même que le nombre de places aux concours de l’enseignement est chaque année insuffisant dans un contexte hors-Covid. Ici aussi, la crise sanitaire a accentué les problèmes qui la précédaient : les classes sont surchargées, souvent sans le minimum d’hygiène acceptable, les profs sont épuiséEs par la pression de l’institution, le recul de la liberté pédagogique, comme en témoigne la répression comme à Melle ou l’embauche des chefs d’établissement venus du privé dans le second degré3.
L’effroyable assassinat de Samuel Faty à Conflans-Saint-Honorine sera instrumentalisé pour renforcer l’encadrement idéologique des contenus pédagogiques derrière la pseudo défense de la « liberté d’expression », et pour renforcer la répression contre les élèves des quartiers populaires, en particulier de confession musulmane, alors même que la pression islamophobe permanente d’État contribue à produire des situations violentes comme celle de ce drame.
Travail, patrie, famille (en-dessous de six) et séparatisme
L’Union nationale qui est en train de se dessiner s’inscrit dans une dynamique qu’il sera difficile de renverser : loi sur le séparatisme, proposition de dissoudre le CCIF et d’autres organisations antiracistes. À cela s’ajoutent le couvre-feu et l’impossibilité de se réunir. Le monde qui se construit est celui d’une société autoritaire et répressive dont nous ne pouvons pas ignorer qu’elle laisse la porte ouverte à l’extrême-droite et au fascisme. Au contraire de chercher dans les dérives de l’Islam le produit de ce qu’il s’est passé à Conflans, nous devons y voir, les syndromes morbides d’une société en crise dans tous ses aspects.
Nous n’avons donc plus de droit si ce n’est celui de continuer à travailler coûte que coûte, pour celles et ceux qui ne perdront pas leur travail, qui ne se retrouveront pas dans une situation de misère sociale, pour les travailleuses et les travailleurs de la culture, pour les celles et ceux qui travaillent dans les bars et les restaurants avec des contrats précaires ou sans contrats.
Rien n’obligeait à cette gestion autoritaire de la crise sanitaire. Jamais on aura autant discuté de l’organisation du travail, car travailler avec un masque n’est pas une mince affaire, surtout sans réflexion sur la pénibilité, le nombre de pauses, l’organisation des lieux de travail. Malheureusement, à la place, nous avons une attaque sans précédent sur ce qu’ont pu être les droits des salariés, pour les reconfigurer.
Il y a une contradiction importante dans la période : d’un côté l’aliénation et l’exploitation inhérente au travail dans ce système n’ont jamais été aussi visibles, de l’autre côté l’après confinement et le passage des mesures de plus en plus autoritaires ont des conséquences qui durent dans le temps. Bien sûr, les résistances existent et elles sont bien souvent exemplaires. Mais la difficulté de se réunir, l’impact du télétravail, la situation des travailleuses et travailleurs à risques rendent la construction de collectifs militants de plus en plus fragile.
S’organiser, résister, refuser l’union nationale
Samedi 17 octobre, des milliers de sans-papiers défilaient dans les rues de Paris. Oui, des résistances partielles existent : face aux licenciements, comme c’est le cas dans la grande distribution, à Grandpuits chez Total, face au racisme et aux violences policières, face au sexisme et aux violences faites aux femmes. Si la colère se fait entendre dans de nombreux secteurs, le mouvement ouvrier peine à se dégager du dialogue social et à construire les ripostes. Pire, il se laisse absorber par l’union nationale comme si en cinq ans, il n’avait rien appris, comme l’a fait la FSU en acceptant que les membres du gouvernement viennent rendre hommage à Samuel Paty à République. Ces attaques liberticides doivent nous faire changer de braquet pour s’organiser afin de renverser la vapeur.
En s’appuyant sur ce qui existe déjà (des marches des sans-papiers aux grèves contre les licenciements) l’ensemble des organisations syndicales et politiques doivent se rencontrer afin d’organiser la contre-offensive : que les travailleuses/rs puissent s’organiser, qu’il y ait des moyens pour la santé et les services publics, interdire les licenciements… La lutte contre l’islamophobie et le refus de l’union nationale, sont un des passages obligés pour faire face à la catastrophe globale dans laquelle le capitalisme s’enfonce chaque jour un peu plus.