Publié le Jeudi 8 septembre 2022 à 08h00.

Référendum sur les superprofits : une diversion

On se souvient peut-être de la pub pour le Canada Dry : « Ça ressemble à l’alcool, mais ce n’est pas de l’alcool ». La proposition, faite par le PS, d’un référendum sur une taxation des superprofits, semble être de gauche mais c’est une diversion.

Bien sûr, nous ne sommes pas contre taxer les profits. Notre camarade Miguel Urban, député d’Anti­capitalistas au Parlement européen, avait ainsi proposé en mars 2020 une taxe d’urgence Covid. Mais cette taxe, sans s’embarquer dans des arguties sur ce qu’est un super-profit, devait viser tous les profits au-dessus d’un certain niveau ainsi que toutes les grandes fortunes. Et surtout il ne s’agissait pas de se lancer dans une campagne interminable pour un référendum mais de développer une agitation politique contre tous les profiteurs (banques, grandes entreprises, grandes fortunes). Cette proposition n’avait pratiquement obtenu aucun soutien des « camarades » d’Olivier Faure parlementaires européens, et avait été enterrée.

Des profits plus légitimes que d’autres ?

Qu’est-ce qu’un super-profit ? On croit comprendre que la taxe viserait tous les profits exceptionnels des grands groupes résultant de la guerre en Ukraine et du dérapage des prix de l’énergie et des transports maritimes. Les entreprises visées au premier chef seraient donc TotalEnergies, Engie et l’armateur CGA-CGM. Que ces spécialistes de l’évasion fiscale payent quelque chose, tant mieux ! Même les profits que les entreprises de l’automobile, des Ephad ou de la grande distribution, par exemple, obtiennent en supprimant des emplois, pressurant les salariéEs et en mettant leur santé en danger (et dans le cas des Ephad, celle des personnes hébergées) ne sont pour nous pas plus légitimes que ceux qualifiés de « super ».

D’ailleurs, pour satisfaire leur opinion publique, divers États (Espagne, Royaume-Uni, Italie, et peut-être maintenant Allemagne) ont mis en œuvre ou projettent de telles taxes. En France, jusqu’à présent, les macronistes appuyés par la droite les rejettent. Soucieux de ne pas contraindre les trusts à quoi que ce soit, le gouvernement se satisfait pour le moment des ristournes volontaires annoncées par Total et les armateurs. Peut-être va-t-il finir par faire un geste et accepter une taxe homéopathique.

L’urgence est à la mobilisation

Mais qui peut croire que l’urgence aujourd’hui pour les militantEs est d’aller récolter des millions de signatures (environ 4,5 millions, soit 1/10 des électeurEs) pour soutenir une proposition de référendum ? Avant cela, il faut d’ailleurs que la proposition soit agréée par le Conseil constitutionnel qui, en 2021, avait rejeté comme non-conforme à la Constitution un projet, lancé par les collectifs inter-hôpitaux et inter-urgences, de référendum d’initiative partagée sur « l’accès universel à un service public hospitalier de qualité ».

Tout cela, Olivier Faure le sait bien. Sa proposition de référendum est une diversion par rapport aux échéances immédiates sur les salaires et les droits des chômeurEs. Jean-Luc Mélenchon s’y est rallié dans la foulée de l’accord des législatives qui avait exclu le NPA : « La proposition du premier secrétaire du PS, nous ne la rejetons pas, elle nous intéresse, parce que le PS qui est en train de se reconfigurer nous intéresse comme partenaire ». Et d’ajouter : « Si le groupe [la Nupes] accepte une motion référendaire, tous les insoumis se mobiliseront pour rassembler les 4,5 millions de voix. » 

Donc, d’accord pour une campagne d’agitation sur les profits mais pas pour une diversion référendaire. S’il y a une urgence pour se mobiliser, pour sensibiliser nos collègues et la population, c’est autour des salaires, des retraites, des allocations chômage. Mettre en échec patronat et gouvernement dépendra avant tout de la force des manifestations et grèves, en premier lieu de celles du 29 septembre. C’est cette échéance et les suivantes qu’il faut préparer.