Le moindre tag ou affiche sur la permanence d’un député de la majorité présidentielle donne lieu à des torrents de commentaires sur l’offense qui serait faite à la République. Mais lorsque le samedi 2 mars, à Bordeaux, le député de La France insoumise Loïc Prud’homme, qui s’écartait de la manifestation pacifique des Gilets jaunes, est matraqué par la police alors qu’il montrait sa carte de député, le ton change. Loin de faire au moins semblant de dire qu’il y avait éventuellement un problème, le préfet de Gironde a ainsi réagi quasi immédiatement par un tweet : « Dans 1 manifestation non déclarée, sur 1 axe interdit par arrêté préfectoral et après sommations, les forces de l’ordre ont dispersé des Gilets jaunes cours Pasteur. Elles ont correctement fait leur travail. Je les soutiens totalement. » Ce genre de déclaration n’a qu’une signification : tout est permis à la police, y compris sur des manifestants pacifiques !
Et celle-ci ne s’en est pas privée ce dernier week-end. Un couple âgé a été roué de coups et traîné par terre à Toulouse. À Toulouse toujours, un handicapé en chaise roulante a été gazé en plein visage. À Paris, un homme qui ne prenait part à aucun affrontement a eu le visage très salement abimé par un tir de LBD.
La France insoumise a constaté, à juste titre, le faible écho de l’agression contre Loïc Prud’homme et la façon désinvolte dont elle est traitée par les autorités et le parti présidentiel. Le NPA, pour sa part, est bien évidemment entièrement solidaire du député et de la demande de la LFI de la démission de Castaner.
Par contre, quand Jean-Luc Mélenchon tweete : « Ce n’est plus la France ça », il montre une fois de plus une idolâtrie d’une France mythique. Certes, Macron réprime à tour de bras afin de créer la peur : avec la calomnie (basée sur la montée en épingle de dérapages racistes et antisémites réels mais marginaux au sein des Gilets jaunes) et l’intox du « Grand débat », c’est le principal moyen de tenter de mettre fin au mouvement. Mais cette tactique n’a rien de nouveau : comme l’écrit un article de Libération du 4 mars, « les quartiers populaires savaient », c’est-à-dire que sont utilisées contre les Gilets jaunes des méthodes courantes contre les jeunes des cités. Et la tradition française en la matière est longue : matraquages dans les commissariats et centres de détention en Mai 68, répression sanglante lors de la guerre d’Algérie… pour ne citer que les cas les plus marquants.
Ça, c’est bien la France, réelle et non fantasmée ! Celle du pouvoir et du capital, qui ne sera mise en échec que par la mobilisation.
Henri Wilno