Le samedi 25 mars, à Sainte-Soline, les « forces de l’ordre », doux euphémisme utilisé pour parler du bras armé de l’État, ont démontré que le pouvoir était prêt à tout pour briser la contestation sociale. Ce qui s’est joué dans les Deux-Sèvres ce jour-là allait bien au-delà de la défense militaire d’une mégabassine : c’est un gouvernement contesté et fragilisé qui a voulu faire une démonstration de force, avec en pointe l’ambitieux et dangereux Gérald Darmanin.
« L’autoritarisme est une composante du macronisme, dont les projets d’adaptation brutale des structures économiques et sociales françaises aux nouvelles configurations du capitalisme mondialisé passent par une caporalisation de la société, une marginalisation des corps intermédiaires et une mise sous tutelle des contre-pouvoirs. »1 Ces lignes ont été écrites il y a près de six ans, en juillet 2017, alors que Macron venait tout juste d’être élu et d’emporter une large majorité à l’Assemblée nationale. Les années qui ont suivi ont malheureusement confirmé ce pronostic, et les semaines qui viennent de s’écouler démontrent que, malheureusement, nous n’avons pas encore tout vu.
« Maintenir l’ordre » ?
Le choix qui a été fait par les autorités quant à la gestion répressive de la manifestation de Sainte-Soline ne laisse planer aucun doute : à aucun moment il n’a été question de « maintenir l’ordre » dans un champ perdu des Deux-Sèvres, mais bien de semer le chaos. Si la manifestation avait atteint son objectif, à savoir la méga-bassine, que se serait-il passé ? À peu près rien. Des cris de joie, peut-être quelques drapeaux plantés en haut de cet immense trou, une petite fête, mais rien de plus.
Il n’y avait rien à détruire. Personne n’avait pour projet de tendre des pièges autour de la bassine. Personne n’avait l’intention d’implanter une ZAD. Mais rien n’y a fait. 3 200 gendarmes mobilisés, 5 000 grenades tirées en l’espace de deux heures (soit plus d’une toutes les deux secondes), plus de 200 blesséEs (soit près d’un toutes les trente secondes), dont deux très grièvement. Et un traumatisme collectif pour des milliers de manifestantEs.
Une démonstration de force
Pourquoi ? Pour répondre à cette question, il faut évidemment situer ce moment répressif dans le contexte plus général de mobilisation massive et durable contre la retraite à 64 ans, avec un pouvoir minoritaire, illégitime, qui a recours à tous les artifices antidémocratiques de la 5e République et qui compte plus que jamais sur l’appareil répressif pour se maintenir. Un pouvoir qui a en outre compris qu’un mouvement écologiste radical porte en lui une critique profonde du système capitaliste productiviste et de ceux qui le gèrent. Il a donc décidé de faire une démonstration de force à Sainte-Soline, quitte à mettre en danger la vie de centaines, voire de milliers de manifestantEs.
Une situation globale à laquelle s’ajoutent les ambitions personnelles d’un certain Gérald Darmanin, qui a compris, comme d’autres avant lui, au premier rang desquels Nicolas Sarkozy, l’un de ses mentors2, mais aussi comme Manuel Valls (avec moins de succès), que le ministère de l’Intérieur pouvait être une rampe de lancement pour des ambitions présidentielles. Et c’est ainsi que, depuis deux semaines, Darmanin se pavane partout, joue au dur, se posant en « homme d’État » tout en reprenant à son compte l’ensemble de la rhétorique de l’extrême droite.
Faire front
Ce cocktail est particulièrement explosif, et nettement plus dangereux qu’une bouteille remplie d’essence enflammée dans un champ. La Macronie fait mine de tenir le gouvernail et le cap, mais elle est grandement fragilisée et la situation politique est particulièrement instable. A fortiori dans la mesure où la contestation face à la contre-réforme des retraites se poursuit et que le durcissement répressif, entre autres et notamment depuis Sainte-Soline, est critiqué et combattu par un front de plus en plus large.
Le macronisme est un autoritarisme, et Darmanin est aujourd’hui le visage le plus abject de la nouvelle accélération du cours autoritaire du pouvoir. Face à cette situation, il s’agit de faire front, en défendant les associations et organisations menacées de dissolution, à l’image des Soulèvements de la terre, et en faisant comprendre au pouvoir que dès qu’il touche à un cheveu de l’unE des nôtres, c’est à tout le mouvement social qu’il s’en prend.
Pour nos retraites, pour nos libertés démocratiques, pour la planète, l’épreuve de force se poursuit, et nous entendons la mener de la façon la plus déterminée et large possible : contre Macron et Darmanin, contre les violences policières et judiciaires, pour nos camarades blesséEs, nous ne lâcherons rien !