Publié le Samedi 19 décembre 2020 à 13h09.

Retour vers le PS : l’illusion du Printemps marseillais 

On annonçait le printemps. Des temps nouveaux étaient promis. Après 25 ans au pouvoir laissant la deuxième ville de France exsangue, abandonnée à la voracité des promoteurs et spéculateurs, traumatisée par le drame de la rue d’Aubagne et ses répercussions avec des milliers de délogéEs, Gaudin laissait enfin son fauteuil de maire à une élue qu’on disait novice, militante, portée par un mouvement dit « citoyen ». 

Déni démocratique

On savait que le Printemps marseillais était né péniblement de tractations d’arrière-garde entre les appareils affaiblis mais tenaces de la « gauche » de gouvernement, qui avait montré, par le passé, dans les Bouches-du-Rhône, ou sur le plan national sous Hollande, combien le PS et ses alliés divers étaient néfastes pour les classes populaires1. La manière dont s’était déroulé le 3e tour, donnant en spectacle la cuisine peu ragoûtante des coulisses du conseil municipal, ne nous avait donné aucune illusion.

Six mois après, on peut constater que le Printemps marseillais a déjà du plomb dans l’aile. Il promettait d’en finir avec Gaudin et ses pratiques : il n’a tenu que le premier engagement. Michèle Rubirola, nom et visage de ce mouvement, se retire. Et tandis que beaucoup se répandent en allusions sexistes, faisant le lâche procès en incompétence supposée de la maire, la renvoyant à ses tâches subalternes de médecin — mépris qui dans le contexte semble ahurissant — il faut surtout souligner le déni démocratique de la situation.

Déjà, Benoit Payan se prépare à prendre sa place à la mairie. Formé à l’école de Jean-Noël Guérini (pilier d’un système corrompu), et de Marie-Arlette Carlotti (ministre sous Hollande), cet ancien secrétaire national des jeunes socialistes n’a jamais renié d’où il venait. C’est cette raison qui l’avait conduit à renoncer à être tête de liste du Printemps marseillais, mouvement qui refusait justement à ses débuts de paraître trop affilié à un PS bien trop marqué par ses renoncements et dérives clientélistes.

Une ville au bord du gouffre

Retour à la case départ. Et cette fois, tous le soutiennent. 

Le scénario était-il écrit d’avance ? Si on peut le supposer, cela n’ajouterait qu’un peu de machiavélisme dérisoire à ce qui importe le plus : la promesse de renouvellement n’est pas tenue, tant dans les visages que les manières de gouverner.

Nous n’attendions rien de ce Printemps marseillais : et c’était sans doute déjà trop. Il révèle surtout combien est prête à tout cette classe politique pour laquelle, seuls comptent les places et les privilèges afférents.

Alors que s’effrite le masque dévoilant la véritable nature de ce « mouvement », il ne faut pas perdre de vue l’essentiel : la ville est au bord du gouffre après 25 ans de règne de Gaudin, asphyxiée par la crise sanitaire, souffrant d’un réseau de transport déficient, d’écoles délabrées, d’un port délaissé, et dévastée par la catastrophe du logement. Les quartiers populaires sont abandonnés. En dépit de quelques timides mesures (gratuité des musées, par exemple) et des embauches (très insuffisantes) dans les écoles, obtenues grâce aux mobilisations, le Printemps marseillais peine à être cette force populaire qu’il prétend être. Les attaques récentes contre le droit de grève des personnels des milieux scolaires en attestent.

Plus que jamais, il faudra être vigilant et s’organiser pour rappeler au Printemps marseillais ses engagements – déjà limités – pour défendre nos droits, en arracher de nouveaux. 

Il n’y a fort peu à attendre du « nouveau » pouvoir qui s’installe à la mairie, qui n’est que le retour de l’ancien, mais tout est à conquérir demain dans la rue.

  • 1. Il est bon de rappeler que de même que Hollande a mis le pied à l’étrier à Macron, Deferre avait fait de même en 1965, prenant comme adjoint, Gaudin, membre de CNI, parti ultra conservateur et très à droite… uniquement pour faire barrage au PC.