Il est bien peu probable que Sarkozy puisse empêcher Marine Le Pen d’être candidate, mais lui et ses ministres sont obsédés par l’idée de lui disputer son électorat pour éviter d’imploser, coincés entre elle et Bayrou.«Toutes les civilisations ne se valent pas », déclarait la semaine dernière, provocateur, Guéant. Il s’est fait une spécialité de ces petites vilenies comme quand, la veille des élections cantonales, il déclarait : « À force d’immigration incontrôlée, les Français ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux. » Jean-François Copé n’a pas voulu être en reste. Sur France Inter, il vantait les valeurs communes aux électeurs de droite et d’extrême droite, « notamment en matière de sécurité, de fermeté, de lutte contre l’immigration clandestine et aussi sur le plan économique ». Et d’expliquer que voter Marine Le Pen signifierait « mécaniquement » la victoire de la gauche.
Quelques jours après, Sarkozy a pris la main en annonçant les grandes lignes de sa campagne dans une interview accordée au Figaro, articulée autour des « valeurs » de « travail », de « responsabilité » et d’ « autorité ». Au nom de ces prétendues valeurs, il a désigné les travailleurEs les plus démuniEs, les plus fragiliséEs à la vindicte populaire. Il n’a pas trouvé mieux, lui qui promettait de ramener le chômage à 5 % alors qu’il est aujourd’hui au plus haut depuis douze ans (environ 10 %), que de proposer un « nouveau système dans lequel l’indemnisation ne sera pas une allocation que l’on touche passivement, mais la rémunération que le service public de l’emploi versera à chaque demandeur d’emploi en contrepartie de la formation qu’il devra suivre ». Ensuite, les chômeurEs ne pourront pas refuser une offre de travail. Et Sarkozy souhaite, si les syndicats ne se plient pas à cet oukase organiser un référendum « sur ce système d’indemnisation du chômage et sur la façon dont on doit considérer le travail et l’assistanat ».
Les chômeurEs, des assistéEs ! Dans la foulée, il s’en prend au droit de vote des immigréEs aux élections locales et au droit des étrangers, envisageant de soumettre les décisions d’expulsions à un juge administratif pour les faciliter. Proposition qui, elle aussi, pourrait être soumise à référendum.
Sarkozy tient le même discours que l’extrême droite, il utilise aussi les mêmes méthodes, la provocation, la politique du bouc-émissaire dans le but de diviser les classes opprimées en agressant les plus faibles. Un des enjeux de la campagne est de retourner cette politique pourrie contre son instigateur.
Yvan Lemaitre