Publié le Mercredi 10 décembre 2014 à 10h27.

Sarkozy - Le Pen : des gesticulations et surenchères qui profitent au pire

L’élection de Sarkozy à la tête de l’UMP et la confirmation de la ligne Marine Le Pen-Philippot par le congrès du FN ouvrent la bataille entre la droite et l’extrême droite pour le leadership de l’opposition à Hollande-Valls dans l’objectif de la présidentielle.

Mal élu, Sarkozy a raté son retour et l’avantage est au FN... Une lutte d’autant plus acharnée que l’hypothèse qu’ils puissent se retrouver face à face au second tour de la présidentielle est assez probable...

De la droite extrême à la naphtaline ?Trente mois après sa défaite à l’élection présidentielle de 2012, Sarkozy comptait sur un retour sous la ferveur des acclamations. Avec 64,5 % des voix, le triomphe est pour le moins modeste. Celui qui se voulait le sauveur que le pays attend doit composer avec ses ennemis jurés pour jouer la comédie du rassemblement. « C’est formidable ! Dans ce parti, il n’y a que des amis. Tout va bien ! Tout le monde se parle, c’est chaleureux ! », ironise Raffarin. Même Villepin, descendu de son croc de boucher, sera convié au comité des anciens Premiers ministres, « comité naphtaline » rejeté par Fillon et Juppé. Sarkozy s’entoure d’un monstre à deux têtes,  Nathalie Kosciusko-Morizet devient vice-présidente, Laurent Wauquiez secrétaire général, une façon d’attiser les conflits.Sarkozy avait voulu conclure sa campagne pour la présidence de l’UMP au son des trompettes de la droite extrême, cherchant à galvaniser ses troupes en jouant du Le Pen comme s’il ne s’agissait plus, comme en 2007, de capter son électorat mais bien de le lui disputer sur le même terrain. Rendre le candidat de la droite extrême plus crédible que la candidate de l’extrême droite sur le même terrain ! Et il se retrouve entouré de centristes. Incapable de s’imposer, il n’a plus qu’à jouer les uns contre les autres... avec en ligne de mire la primaire pour 2017.

L’or de Moscou...Face à lui, Marine Le Pen a les coudées franches, faisant l’unanimité dans son parti qui rassemble tous les courants de l’extrême droite, satellise les néofascistes ou enrôle à son service les Zemmour et autres.Elle se permet même le geste provocateur d’aller chercher l’argent dont elle a besoin auprès de Poutine, le nouveau tsar de la Grande Russie redevenue le symbole même de la réaction. Les « patriotes » savent reconnaître leurs amis, et leurs amitiés – aussi nationalistes soient-elles – ne connaissent pas plus les frontières que l’argent.Tout semble travailler au succès du FN, dont le principal rival vient de se prendre les pieds dans le tapis des ambitions et haines de ses propres « amis ».

La fusion des électoratsLe match sera d’autant plus difficile à jouer pour Sarkozy que sa propre politique se retourne contre lui. À force d’entonner la même chanson que le FN, il pousse ses propres électeurs dans ses bras. Le succès appelant le succès, l’effet d’entraînement joue en faveur de Marine Le Pen.Un récent sondage de l’Ifop pour Marianne le confirme : les deux électorats souhaitent une alliance électorale en bonne et due forme. Une alliance inscrite dans la radicalisation d’une large fraction de la droite qui s’accentue en parallèle à la faillite de la gauche bourgeoise, sur le terreau de la crise sociale, de la peur de la mondialisation et du repli national.Les sympathisantEs du Front national sont plus nombreux à vouloir cette alliance que ceux de l’UMP, mais la proportion serait pratiquement la même s’il s’agit de gagner ou de conserver une région contre le PS. À noter aussi que les sympathisantEs du FN estime être dans le même camp que l’UMP...Pour l’UMP, une telle alliance est impossible, car elle signifierait son explosion, avec la constitution d’un parti de droite extrême. En retour, on assisterait probablement à l’émergence d’un parti du centre, avec la droite du PS...Rien n’est écrit, mais la séquence électorale qui s’ouvre jusqu’à 2017 verra de profondes recompositions au sein du personnel politique de la bourgeoisie, vers la droite. Le moment aussi pour les anticapitalistes et révolutionnaires de s’affirmer résolument en rupture et opposition avec la gauche libérale, comme avec les jeux et manœuvres institutionnels, et de tracer une perspective pour le monde du travail et la jeunesse.

Yvan Lemaitre