Publié le Mercredi 21 janvier 2015 à 18h55.

Sécuritaire : des mesures exceptionnelles... pour un État d’exception ?

Valls et son gouvernement ont donc déclaré la guerre ! Le vocabulaire a son importance et le Premier ministre a su le choisir avec soin : face à « l’ennemi intérieur », il s’agit rien de moins que de « neutraliser » les groupes terroristes et de « déradicaliser » les islamistes... La guerre donc, avec ses mots et ses maux.

D’abord des mesures policières et militaires immédiates...Sous prétexte de protéger la population des risques d’attentats, c’est une véritable restriction drastique des libertés que nous subissons. En effet, le plan Vigipirate « alerte attentat » restreint sévèrement les libertés individuelles : interdiction des grands rassemblements, stationnement interdit devant les écoles et certains édifices publics, contrôles et patrouilles renforcés aux abords des zones sensibles...Et à nouveau, les habitantEs des banlieues les plus populaires vont être particulièrement harcelés. Combien de fois encore et encore les jeunes dits « des quartiers » devront-ils montrer leurs papiers, prouver leur identité ?Pour réaliser ce plan Vigipirate, un réel quadrillage militaire du territoire est organisé : 10 000 soldats occupent nos rues, notamment pour la protection des 717 écoles et lieux de culte juifs, autour de certaines mosquées, dans les gares, les aéroports... Soit, selon les chiffres de Manuel Valls, 122 000 personnels militaires sur la voie publique. La guerre donc !

… ainsi qu’une justice dite de flagrance, sans réelle instructionUne dizaine de personnes ont été placées en garde à vue pour des propos imbéciles, qualifiés « d’apologie publique d’actes de terrorisme », et souvent proférés par des adolescentEs, des ivrognes ou des personnes atteintes de troubles psychiques. Ils ont tous été jugés en comparution immédiate et ont été condamnés à des peines de prison ferme entre 3 mois et 4 ans ! Ces sanctions pénales lourdes, pour l’exemple, punissent des personnes qui auraient besoin pour les plus jeunes d’éducation et pour une partie des autres de soins.Cette politique judiciaire de circonstance, sans le temps de l’instruction, est nuisible : envoyer des personnes en prison, alors que l’on sait que la prison radicalise les plus fragiles, est inconséquent... Cela ne protège en rien d’actes réellement dangereux, car les vrais terroristes, eux, sont prudents et discrets et ne se risquent pas à tenir des propos déplacés dans les lieux publics...

Puis des projets gouvernementaux inquiétantsLes annonces de Valls en conseil des ministres mercredi 14 janvier relèvent toutes de l’ordre sécuritaire. Une série de mesures concernent le renseignement : un nouveau fichier spécifique sur les personnes condamnées pour terrorisme est créé. Cela doit servir à leur imposer de justifier de leur domiciliation régulièrement et de prévenir de leurs déplacements. Une mesure pas limitée dans le temps, ce qui signifie que les condamnéEs le sont à vie... Dans un premier temps, 432 emplois supplémentaires sont créés à la DGSI.Dans les prisons, des zones spéciales, dont le projet a déjà été validé en conseil des ministres, seront créées pour les détenus radicalisés avant la fin de cette année, pour mettre en place des programmes de déradicalisation. 152 détenus seraient identifiés islamistes radicaux. Alors que les prisons sont des lieux de ressentiment très profond, tout traitement aggravant des conditions déjà difficiles conduit à toujours plus de radicalisation.À la Protection judiciaire de la jeunesse, une unité de renseignement devrait être créée. Transformer des éducateurs en agents de renseignement est une très mauvaise nouvelle. Cela cassera la confiance parfois fragile entre professionnels et adolescents en grande difficulté, et c’est remplacer une justice des mineurs basée sur l’éducation – qui n’exclut d’ailleurs pas la sanction – par la surveillance et le renseignement qui, eux, excluent l’éducation. C’est renvoyer des mineurs en danger et / ou des petits délinquants à leur solitude et à leur dérive.

Et la guerre s’organise aussi à l’extérieurIl y a d’abord le renforcement du renseignement à l’échelle internationale, avec la tenue d’un Forum international de la cybersécurité afin de renforcer le contrôle d’internet, ou encore la demande des États européens concernant les passagers du transport aérien. Les États veulent ainsi accéder aux données personnelles des passagers afin de les échanger pour détecter les « infractions terroristes »...Et il y a aussi la guerre à « l’ennemi de l’extérieur », avec le maintien des forces armées au Mali, les risques d’intervention en Libye... Cela alors que toutes ces agressions impérialistes ont renforcé la détermination des forces islamistes, que les populations sont massacrées, et que le ressentiment augmente dans les pays occidentaux.Les pompiers pyromanes sont à l’œuvre, ici et là-bas...

Roseline Vachetta