Publié le Mercredi 9 septembre 2020 à 09h33.

Valeurs actuelles, l’arbre qui cache la forêt  ?

La fiction raciste de Valeurs actuelles mettant en scène Danièle Obono en esclave a été largement condamnée sur le champ médiatique et politique. Même si certainEs ont fait de la résistance en essayant de prendre prétexte de la « liberté d’expression » pour défendre le torchon d’extrême droite, c’est une quasi-unanimité qui était de mise. Une saine prise de conscience ? Rien n’est moins sûr.

Quelques jours après le tollé suscité par la fiction raciste de Valeurs actuelles, la chaîne d’information du groupe TF1 LCI annonçait sa décision de ne plus accueillir sur son antenne, en tant que chroniqueur, Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles. Certains ont voulu y voir l’expression d’un rejet ferme du racisme et le début de la mise en place d’un « cordon sanitaire ». Ce dont on est en droit de douter…

Porosité

On pourra en premier lieu remarquer que si LCI a décidé de se séparer de Geoffroy Lejeune, aucune mesure du même type n’a été prise vis-à-vis des autres intervenants réguliers de Valeurs actuelles sur la chaîne, qui pourront donc continuer de déverser leur bile à l’antenne. Geoffroy Lejeune lui-même n’a guère de raison de s’inquiéter : son embauche comme chroniqueur chez Cyrille Hanouna n’a pas été remise en question et nul doute que, le temps passant, il sera de nouveau convié à donner son « avis » sur les diverses chaînes d’information.

Plus éloquent encore : on a appris en fin de semaine dernière que Louis de Raguenel, jusqu’alors rédacteur en chef de Valeurs actuelles, quittait son torchon pour rejoindre Europe 1, en tant que chef du service politique. Une belle promotion pour ce réac parmi les réacs, et une éclatante démonstration de la porosité de plus en plus forte entre les médias d’extrême droite et les médias dits « mainstream ». La nouvelle a suscité l’indignation des journalistes d’Europe 1, qui ont voté, à la quasi-unanimité, une motion rejetant cette nomination. Mais jusqu’ici, la direction tient bon.

Omniprésence

Il n’y a en réalité rien de surprenant à ce type de « transferts ». Cela fait désormais de longues, trop longues années, que les « chroniqueurs » et « éditorialistes » de la droite extrême et de l’extrême droite ont pignon sur rue dans les médias généralistes, en premier lieu les chaînes d’information et les radios. Ils sont invités en permanence à donner leur avis sur le moindre fait d’actualité, et nombre d’entre eux disposent de leur rond de serviette dans de multiples émissions de « débat » et d’« infotainment ».

Les Goldnadel, Rioufol, Lévy, d’Ornellas, Bastié, Consigny, Brunet, Thréard, Dassier, de Kerdrel, Devecchio1 ont envahi les ondes et les écrans, et multiplient les saillies racistes, homophobes, anti-syndicales, suscitant les sourires complices ou les fausses indignations d’animateurs qui, souvent, n’en pensent pas moins. Et l’on ne parlera pas ici du cas du multirécidiviste Éric Zemmour, récompensé par C-News au moyen d’une émission quotidienne au cours de laquelle il a tout loisir de vomir sa haine réactionnaire.

Continuum

Alors bien évidemment, tout ne se vaut pas : BFM-TV n’est pas C-News, qui s’est pour de bon transformée en chaîne d’extrême droite, contre laquelle un mouvement de boycott s’est enclenché l’an dernier, du côté des organisations du mouvement ouvrier, motivé par le refus de donner quelconque légitimité à une chaîne qui revendique de faire du fric grâce à des journalistes racistes ; et Marianne n’est pas Valeurs actuelles, même si certaines des unes des deux hebdomadaires se ressemblent, parfois, étrangement, notamment lorsqu’il s’agit de parler des musulmanEs.

Mais, comme sur le champ politique, il existe bien un continuum que l’hypocrite levée de boucliers contre Valeurs actuelles ne pourra pas longtemps masquer. Dans un pays où le champ politique est de plus en plus polarisé par l’extrême droite, les « grands médias » ont fait le choix de l’adaptation, voire de l’accompagnement. Un choix que nous devons dénoncer sans relâche, et dont nous devons combattre tous les échos sur le champ politique à gauche. Quoi que disent les sondages, quels que soient les thèmes imposés par les éditorialistes d’extrême droite, nous ne devons jamais transiger avec l’antiracisme : contre l’islamophobie, la romophobie, la négrophobie et l’antisémitisme ; pour les droits des migrantEs, la liberté de circulation et d’installation ; contre tout chauvinisme, y compris et notamment au nom d’une prétendue « exception française ».