Alors que les exactions racistes de Sarkozy menacent de se retourner en boomerang contre lui, les révélations du scandale Woerth sur les liens étroits entre les grandes fortunes et l’État continuent. Autant d’éléments qui fragilisent le pouvoir à la veille de l’affrontement de cette rentrée. Fillon a beau s’estimer « très confiant » en affirmant que « depuis deux mois que cette affaire dure, personne n’a réussi à établir la moindre faute pénale à l’encontre d’Éric Woerth », la saisine éventuelle de la Cour de justice de la République (CJR) sur demande du procureur Nadal sollicité par Corine Lepage, vient relancer l’affaire, pour l’instant encore entre les mains du procureur Philippe Courroye, de l’avis de beaucoup, plutôt complaisant. « Je subis depuis deux-trois mois une sorte de lapidation médiatique assez impressionnante », a déclaré Woerth, lundi 30 août au Parisien. Il ose encore se poser en victime après l’enchaînement de révélations sur ses agissements en tant que ministre du Budget et trésorier du RPR. Outre l’affaire Bettencourt, la presse a fait état de la vente à un prix bradé de l’hippodrome de Compiègne, d’un dîner en tête-à-tête avec l’héritier Robert Peugeot, soucieux apparemment d’éloigner une enquête sur l’origine des 150 000 – voire 500 000 – euros sous forme de lingots d’or qui venaient de lui être volés. Ce même Robert Peugeot à qui Woerth a décerné une légion d’honneur en juin dernier. Une de plus, après celle accordée à De Maistre, le gestionnaire de la fortune Bettencourt en 2008, et à l’expert-comptable chargé de certifier les comptes de sa campagne municipale à Chantilly. Pour financer celle-ci, a-t-on appris aussi par Mediapart, Woerth n’aurait déclaré qu’un salaire de 3 000 euros et un revenu disponible dérisoire pour obtenir un prêt de 6 500 euros. De quoi donner la mesure du personnage, mais on sait bien aussi que pour les milliardaires et le petit monde qui les fréquente, il n’y a pas de petits profits. Petits arrangementsMais l’affaire Bettencourt, c’est aussi le scandale de ces grosses fortunes auxquelles l’État et ses représentants, comme Woerth et bien d’autres, permettent de ne payer qu’un impôt infime, au moment où Sarkozy et ses ministres prêchent la rigueur au bon peuple. Ainsi, Bettencourt n’est imposée qu’à 9 % de ses revenus, pas plus qu’un cadre moyen. Elle a payé 40 millions d’euros d’impôts après restitution par le fisc de 30 millions au titre du bouclier fiscal. Mais celui-ci s’ajoute à toutes sortes de dispositifs assez complexes qui réduisent en amont ce que les grandes fortunes déclarent au fisc. Ainsi, sur les dividendes 2009 versés par L’Oréal – 280 millions d’euros –, Bettencourt n’a déclaré en toute légalité que 145 millions de revenus. De même, concernant l’ISF, elle bénéficie d’un dispositif d’exonération qui lui permet de ne déclarer que 2,2 milliards d’euros de son patrimoine estimé à 15 milliards. Soit un ISF de 40 millions d’euros, lequel est encore ramené à 30 millions grâce à un autre dispositif. Elle verse donc au total 70 millions d’impôts dont l’État lui a rendu 30 millions au titre du bouclier fiscal. Si on ajoute que, selon un spécialiste des questions fiscales, « Mme Bettencourt serait un exemple vertueux » par rapport à d’autres grandes fortunes, il faut en déduire que Sarkozy, déclarant le 12 juillet, que « de tous les pays du monde, la France est celui qui taxe le plus les contribuables aisés », se moque cyniquement et sans vergogne de tous ceux qu’il appelle aujourd’hui aux sacrifices. Woerth, malgré la « confiance » dont certains de ses collègues du gouvernement l’ont publiquement assuré, ne faisait pas partie des ministres invités par Sarkozy à Brégançon, le 20 août dernier, avant le conseil des ministres de la rentrée. C’est lui qui présentera la réforme des retraites à l’Assemblée, tout en jouant le rôle de fusible que Sarkozy, contraint et forcé, lui assigne sans doute. Mais pour le gouvernement, le mal est bien plus profond. Difficile de planifier des mesures d’austérité dont l’objectif est de réduire les dépenses de l’État qui sont utiles à la population, alors que s’étalent publiquement les grandes fortunes comme celle des Bettencourt et leur promiscuité avec le parti au pouvoir. C’est évidemment la même chose pour la réforme des retraites, même si le mensonge largement partagé de la nécessité démographique pèse sur les cerveaux. La conscience qu’il s’agit uniquement d’une question de répartition de la richesse, grandit. C’est en quoi aussi la crise politique fragilise le gouvernement, elle le discrédite, elle sape sa propagande mensongère et peut donner en retour aux salariés, aux chômeurs, aux jeunes, le sentiment que leurs besoins, leurs revendications sont légitimes. Galia Trépère
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