L’adhésion à une complémentaire santé d’entreprise est obligatoire depuis le 1er janvier 2016, la part des remboursements de la Sécurité sociale diminue au profit des mutuelles et des grands groupes d’assurances qui les absorbent et s’accaparent une part croissante du « marché de la santé ». C’est une arme de destruction de la Sécu, l’offensive contre le système solidaire se poursuit.
Un dispositif appliqué dans un premier temps aux assurances privées, individualise les couvertures sociales et attaque le principe de la mutualisation des risques entre malades et bien portants. L’assureur Generali va proposer aux 134 000 entreprises qui ont souscrit à ses contrats collectif santé d’adhérer à une assurance santé comportementale. Les salariéEs pourront répondre à un questionnaire portant sur leur profil personnel et médical : âge, poids, taille, alimentation, activité physique, bilan sanguin, tension, consommation de tabac, nombre de visites médicales, situation par rapport au stress. Ils recevront des objectifs personnalisés (maigrir, faire du sport...) et s’ils les atteignent bénéficier de cartes cadeaux...
Contrairement à d’autres pays européens, la législation française ne permet pas pour le moment d’appliquer des bonus-malus sur les tarifs santé, mais les assureurs essaient de contourner ce dispositif. Le Big data (c’est-à-dire la collecte et traitement informatique d’une masse énorme de données) peut permettre des avancées importantes grâce à la médecine prédictive, mais c’est aussi pour les grandes sociétés du numérique et les assurances une opportunité énorme pour accroître leurs profits. Tous les remboursements de la Sécu sont codifiés, le système d’information inter-régime de l’assurance maladie enregistre le contenu d’1,2 milliard de feuilles de soins, 500 millions d’actes médicaux, 11 millions de séjours hospitaliers. La loi Touraine autorise l’accès à ces données aux organismes à but lucratif sous la rude condition de réaliser une étude d’intérêt public ! La connaissance de la date et du lieu de naissance de l’assuré suffit pour lever l’anonymat des dossiers et exploiter les informations sur les comportements individuels.
Du Big data à Big brother
Les assureurs cherchent aussi à collecter des informations grâce aux appareils connectés qui enregistrent des données (tension, sommeil …). Ainsi Axa a mis en place un contrat complémentaire santé connecté : les 1 000 premiers souscripteurs ont reçu une montre comptant leurs pas, et ceux qui faisaient plus de 7 000 pas par jour des chèques cadeaux. Axa lève aussi des fonds destinés à la création d’une application qui a pour objet de réduire ses coûts en incitant les assuréEs à respecter leurs traitements médicaux.
L’assurance comportementale est attentatoire aux libertés et aggrave les inégalités d’accès aux soins. Les plus pauvres seront doublement défavorisés. Déjà contraints de renoncer à des soins, ils n’auront pas les moyens financiers et culturels de répondre aux exigences des assureurs (comportement alimentaire, activité physique)... et seront donc culpabilisés et punis.
La santé n’est pas une marchandise, les intérêts privés et lucratifs n’y ont pas leur place. Tous les frais de santé doivent être remboursés à 100 % par la Sécurité sociale qui doit être garante du respect total du secret médical. Le patronat et l’État ne doivent donc avoir aucune place dans la gestion de la Sécu. Ses administrateurs doivent être élus, contrôlés et révocables par les assurés sociaux, et doivent disposer de tous les pouvoirs pour accomplir pleinement leur mission, notamment de permettre l’accès aux soins à tous, sans discrimination.
S. Bernard