L’Assemblée nationale a voté le 26 octobre en première lecture le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. Le sénat va en débattre les prochaines semaines avant son adoption définitive au plus tard le 30 novembre.
En raison du surcoût lié à la crise sanitaire, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 commence par une dizaine de pages occupées à rectifier la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de l’année 2020, votée en 2019 et appliquée l’année suivante. La loi de 2021 devrait donc elle aussi être rectifiée lorsque l’année sera écoulée. Cela montre bien l’absurdité de l’existence même de cette loi qui a rompu avec un principe fondamental de la Sécurité sociale depuis 1945 : « Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Cette LFSS, avec le dispositif d’alerte1 qui l’accompagne, permet au Parlement de prendre des dispositions pour « équilibrer les comptes » alors qu’elle est déjà appliquée. C’est ainsi que les gouvernement qui se sont succédé depuis son application en 1996 se sont préoccupés essentiellement de l’équilibre financier de la Sécu au détriment des besoins sociaux. Cette loi qui ne peut pas être respectée dans certaines circonstances sanitaires ou sociales est rectifiée après l’application de ses dispositions, ce qui est contraire avec un principe du droit : la non rétroactivité des lois.
Le NPA, et auparavant la LCR, ont toujours dénoncé l’existence de la loi de financement de la Sécurité sociale et de l’Objectif national de dépense de santé (Ondam), parce qu’ils ont pour objectif l’équilibre financier des comptes au détriment des besoins et en faveur de l’austérité budgétaire. Un exemple : l’Ondam hospitalier pour 2022 (en progression de 2,6 %) ne permettrait même pas de maintenir les moyens existants, il faudrait au minimum 4 % ! Preuve est faite qu’ils doivent être abolis.
Ces rectificatifs à posteriori de la loi sont illégaux et pourraient malgré cela se renouveler l’année prochaine puisque le projet du gouvernement se base sur deux à priori : « la sortie de la crise sanitaire » et « la reprise économique ». Ainsi une baisse de 0,6 % de l’Ondam par rapport à cette année est envisagée en 2022 pour prendre en compte la diminution des dépenses qui étaient liées au Covid. Le déficit de la Sécu serait ramené de 34,6 milliards d’euros en 2021 à 21,6 milliards en 2022, ce qui, comme l’écrit Libération, pourrait être l’expression d’« un optimisme un peu coupable » avec une baisse de 10 milliards d’euros de la somme provisionnée pour les « crédits Covid ». En revanche, le gouvernement n’envisage toujours pas de supprimer la part patronale des exonérations de cotisations. Ce que nous revendiquons !
Un budget en trompe-l’œil qui ne rompt pas avec l’austérité
Le 24 septembre, le gouvernement a présenté à sa façon des éléments du PLFSS de 2022 qui est discuté à l’Assemblée nationale puis au Sénat en séance plénière depuis le 19 octobre. Selon Véran le ministre de la Santé, « c’est un PLFSS qui poursuit les grandes transformations engagées ces derniers mois. » « Cinq mesures phares » sont annoncées :
1 – « Investir dans la transformation du système de santé » en poursuivant la mise en œuvre des engagements du « Ségur de la santé ». Ce changement dans la continuité ne permettra pas de répondre aux besoins des personnels des hôpitaux : embauches à la hauteur des besoins déterminés avec le personnel, augmentation des salaires....
2 – « Des investissements en 2022 dans les hôpitaux, les Ehpad, les outils numériques » : le budget des hôpitaux devrait progresser de 2,7 % (hors les mesures de revalorisation salariale du Ségur de la santé) alors qu’il faut au moins 4 % pour préserver les moyens existants. Il n’est donc pas question de stopper les restructurations, les fermetures de lits et d’hôpitaux, de lutter contre les déserts médicaux...
3 – « Renforcer les actions de soutien à la perte d’autonomie ». Mais le gouvernement a « oublié » sa promesse d’une « grande loi » sur la perte d’autonomie, alors qu’à sa demande plusieurs rapports ont été élaborés à ce sujet. En période pré-électorale Macron doit faire quelques promesses qui, si elles sont réalisées, apporteraient quelques améliorations positives mais resteraient très insuffisantes. Des dispositions limitées au strict minimum par rapport aux besoins sont prévues : l’enveloppe envisagée pour la prise en charge des personnes en situation de dépendance sera de 400 millions d’euros alors qu’il existe en France 7 500 Ehpad, seulement 10 000 postes supplémentaires en Ehpad devraient être créés d’ici cinq ans, soit 2 000 par an pour près de 600 000 lits.
4 – Une amélioration de la prévention et l’accès aux soins : la contraception gratuite jusqu’à 25 ans, l’accès facilité aux soins visuels pour désengorger les ophtalmologistes, des mesures de simplification d’accès à la complémentaire santé solidaire pour les bénéficiaires du RSA et du minimum vieillesse et de nouveaux parcours de soins axés sur la prévention (lutte contre l’obésité infantile, dépistage…), l’accès facilité des médicaments et dispositifs médicaux onéreux à l’hôpital ; et l’accès au remboursement anticipé pour les solutions numériques innovantes.
5 – La vie des des travailleurEs indépendants et des particuliers employeurs serait peu facilitée par des mesures « modernes et innovantes ». La psychiatrie, secteur de la santé déjà en grande déshérence, verra appliquer « la tarification par compartiments », dans l’esprit de la tarification à l’hôpital qui a transformé l’hôpital en entreprise. Et ce ne sont pas les quelques créations de postes en pédopsychiatrie qui changeront là non plus la situation.
Rien n’est dit sur les retraites, ce qui ne signifie pas que le pouvoir ait renoncé à ses contre-réformes (allongement de la durée de cotisation, de l’âge du départ à la retraite, pensions par points). Par contre l’industrie pharmaceutique n’est pas oubliée, un crédit « de l’ordre d’un milliard d’euros » sera accordé aux laboratoires qui investissent dans la production ou la recherche en France et dans l’Union européenne. Sanofi, incapable de produire le vaccin anti-covid, pourrait bien en profiter aussi !
Ce que nous voulons
La Sécurité sociale est financée par les cotisations sociales, c’est-à-dire une partie de notre salaire qui est socialisée (la part dite salariale et la part dite patronale). « La Sécu, elle est à nous ! », comme cela a été crié pendant longtemps dans les manifestations. Elle nous appartient ! Elle doit être gérée démocratiquement par nous et nous seulEs, sans patrons, ni tutelle de l’État. Il faut donc que ses administrateurs et dirigeants soient éluEs, et révocables si nécessaire.
Les différentes branches de la Sécurité sociale (maladie, famille, retraite) ont subi de nombreuses contre-réformes. Il nous faut donc la reconquérir et étendre ses prérogatives. Nous voulons que tous les besoins sociaux soient couverts intégralement par notre Sécu. nous voulons « le 100 % sécu » : gratuité de tous les frais médicaux (de la prévention au curatif), maintien du salaire durant la maladie, pendant la retraite, « allocs » répondant aux besoins sociaux, extension de la Sécu à la perte d’autonomie, au chômage, au logement, à l’aide sociale.
Toutes les institutions et tous les organismes sociaux doivent bénéficier de moyens pour fonctionner : formations et embauches dans les Ehpad, hôpitaux à la hauteur des besoins définis notamment par leurs salariéEs.
La Sécu (et aussi l’État et les municipalités) ont considérablement réduit le nombre de centres de santé. Il faut faire exactement le contraire : des centres de santé pluridisciplinaires dans les quartiers, en lien avec l’hôpital public, et prenant en charge la prévention, l’éducation à la santé et le curatif. Leur développement est un moyen de lutter contre les déserts médicaux à condition de former un plus grand nombre de médecins qui, en contre-partie de la gratuité intégrale des études, devraient être affectés dans ces déserts médicaux. La crise sanitaire actuelle montre aussi que les laboratoires pharmaceutiques qui font d’énormes profits ne devraient plus être aux mains des actionnaires, mais au service de la population : il faut donc les exproprier, et lever les brevets sur les vaccins au lieu d’engraisser les labos.
- 1. Il revient au comité d’alerte, en application de l’article L.114-4-1 du code de la sécurité sociale, de rendre un premier avis à la mi-avril dans lequel « il analyse les anticipations de réalisation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’année précédente en se fondant sur les données statistiques disponibles » et « en déduit les conséquences sur le respect de l’objectif de l’exercice en cours ».