Publié le Mardi 24 novembre 2020 à 11h49.

Déconfiner… le Black Friday ?

« Il n’est pas question d’annoncer le déconfinement mardi soir » : Macron lui-même a tenu à mettre les choses au point. Il affirme vouloir donner « de la cohérence, de la clarté, un cap », en un mot tout ce qui fait défaut depuis des mois à la politique de l’exécutif.

Celle-ci n’a cessé d’être ballottée au jour le jour, entre l’impératif du « business d’abord » et celui de contrôler l’épidémie, pour éviter que le système hospitalier ne soit débordé, avec pour conséquence des dizaines de milliers de morts supplémentaires. Dans l’attente d’une vaccination de masse au cours de l’année 2021, Macron, Castex, Véran n’envisagent pourtant rien d’autre que la prolongation de ce qui n’a pas fonctionné : contraintes autoritaires et sanctions, loin d’une politique démocratique de prévention.

Le commerce d’abord, nos vies plus tard

Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, a le mérite de la franchise, les mesures annoncées mardi auront pour vocation « une adaptation du confinement pour permettre à des secteurs économiques de travailler ». Le seul véritable « déconfinement » prévu à la fin du mois de novembre est donc… celui du commerce. Les petits commerces dits « non essentiels » seraient autorisés à rouvrir, permettant aux grandes surfaces d’en faire de même dans tous leurs rayons. Bruno Lemaire, héros autoproclamé d’un bras de fer (!) avec Amazon, a annoncé le report d’une semaine de la grande foire commerciale du « Black Friday »… dont les véritables bénéficiaires seront en réalité les plateformes en ligne et la grande distribution.

Quant à nos vies, elles resteront pour l’instant confinées, rythmées par les « attestations de déplacement », les contrôles et des amendes pour les récalcitrantEs. Notre droit d’aller au travail, pour celles et ceux qui ont un emploi ou étudient, sera seulement élargi à celui « d’acheter plus », pour celles et ceux qui en ont les moyens.

Pour le reste, rien ne devrait changer en attendant les fêtes de fin d’année où, si nous respectons bien les consignes, une « permission » pourrait nous être accordée. Un confinement plus ou moins « allégé » serait de toutes façons maintenu jusqu’à une vaccination massive de la population s’échelonnant au cours de 2021.

Jusqu’où serrer la vis ?

Devant la commission d’enquête du Sénat, Castex, satisfait, n’a pas hésité à déclarer : « Nous avons toujours pris les décisions qui étaient les meilleures possibles en fonction de l’évolution du virus. ». Au nombre de ces « meilleures décisions », il faut bien sûr compter le manque de tests et de suivi des personnes contaminées, puis la politique absurde, aboutissant à ce que le million de tests hebdomadaires ne servent à rien, pour finir en septembre par le retour au travail et la réouverture des lieux d’enseignement sans garanties ni protection suffisantes.

Aux yeux du Premier ministre, le seul problème est que le « peuple français » n’a pas respecté « avec suffisamment de zèle » les consignes de ses dirigeants, les gestes barrière et la distanciation sociale. La conclusion coule de source : face à l’indiscipline dudit « peuple français », il faut, tout en faisant tourner la machine à profits, continuer de « serrer la vis », en veillant toutefois à ce que l’exaspération ne se transforme pas en révolte. Tel est l’enjeu des arbitrages présidentiels.

Il existe des alternatives pour combattre le Covid

En attendant qu’une immunité suffisante soit créée par l’arrivée d’un vaccin fiable, la lutte pour faire régresser l’épidémie doit se poursuivre et même s’intensifier. Dans cette voie, la stratégie autoritaire choisie par le pouvoir n’est pas seulement liberticide, elle est inefficace.

Il existe une autre voie possible, qui repose sur l’alliance entre les professionnels de santé, apportant sur le terrain leurs connaissances et leur savoir-faire, et celles et ceux qui, sur leurs lieux de travail, d’études, de vie, sont les plus à même de définir et mettre en œuvre les meilleurs moyens de se protéger et d’éviter la propagation du virus.

La même démarche démocratique et participative doit s’appliquer à la stratégie du « tester, tracer, isoler » permettant de remonter et de tarir les chaînes de contamination. Elle ne peut être remplacée par une « application » et des permanences téléphoniques de la sécurité sociale. Elle nécessite des moyens humains et matériels, de l’écoute, de la discussion. Elle repose sur la confiance.

Les mesures punitives qu’envisage le pouvoir contre les personnes contaminées qui ne s’isoleraient pas seraient un nouveau pas dans la mauvaise direction. Il faut leur opposer l’envoi d’équipes sur le terrain, au domicile, non seulement pour tester, mais pour débattre et décider, avec les malades et leurs proches, des meilleurs moyens d’isolement, leur garantir les moyens matériels nécessaires (revenus, chambre d’hôtel, solutions pour la famille et les enfants) et assurer le suivi. 

Comme le rappelait Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique nommé par l’exécutif : « On peut imaginer des mesures contraignantes, mais le risque, c’est que les gens n’aillent pas se faire dépister et ne déclarent pas qu’ils sont positifs. Le conseil avait recommandé début septembre des mesures très précises, y compris d’ordre financier, pour inciter les gens à respecter l’isolement. Elles n’ont pas été mises en place, mais il est encore temps de le faire ». Des suggestions qui vont à l’encontre de la politique du pouvoir, de plus en plus enfermé » dans un cours autoritaire et liberticide.

Contre le Covid, les pratiques de santé communautaire, la démocratie et l’auto-organisation ne sont pas un « luxe » ou des idéaux abstraits, mais des moyens de lutte efficaces, qu’il faut imposer, si l’on veut éviter la « 3e vague » à laquelle mène tout droit la politique de l’exécutif.