Publié le Dimanche 22 mars 2020 à 20h15.

Les pharmacies à l’ère du Covid-19

Macron nous a expliqué que nous étions « en guerre contre un ennemi invisible », et nous savons que ce sont les soignantEs qui sont en première ligne. Voici quelques nouvelles d’un des secteur engagé sur le front, la pharmacie d’officine.

La pharmacie d’officine est un secteur où le taux de syndicalisation est faible, et les groupes de discussion sur les réseaux sociaux entre collègues de toute la France permettent d’exprimer des craintes, des incompréhensions, d’échanger sur les méthodes de travail et de récolter des témoignages de terrain.

Impréparation

Après un début de semaine marqué par les annonces d’Emmanuel Macron et de la mise en place du confinement, les travailleuse et des travailleurs ont dû gérer des afflux de patientEs dans la limite du raisonnable. Des captures d’écran de logiciel montraient qu’à certains endroits on atteignait 600 voire 700 actes (ventes directes, ordonnances..) en une seule journée. Des pharmacies ont donc vu leur nombre de clientEs passer du simple au double du jour au lendemain. Et il est important de rappeler dans quelles conditions : bien souvent sans masque ni gel hydroalcoolique, dans des locaux bondés de malades attendant leur tour.

Suite aux dernières déclarations du gouvernement, des moyens ont été envoyés à partir de mercredi, donnant la possibilité aux travailleuses et aux travailleurs d’avoir de quoi se protéger un minimum. 

Pour renforcer les gestes barrières, chaque officine a recours au système D pour limiter tant bien que mal la propagation du virus. On a vu des pharmacies qui faisaient entrer et sortir des patientEs au compte-gouttes, d’autres qui posaient des cartons Cyclamed devant les comptoirs pour garder une certaine distanciation sociale, d’autres faire des marquages au sol avec du scotch, d’autres investir dans des vitres en plexiglas à poser sur les comptoirs avec une trappe pour la délivrance... Même si la créativité des unEs et des autres est mise à profit pour le bien de toutes et tous, cela montre dans un premier temps que cette crise sanitaire n’a pas été prise au sérieux dès le départ par nos dirigeantEs, et deuxièmement que nous ne sommes pas prêtEs à faire face efficacement à cette épidémie. Cela crée par ailleurs une psychose chez une partie du personnel soignant. D’autant que dans certaines pharmacies, comme à la Réunion, des masques ne seront livrés qu’à partir de mardi 24 mars.

Le pire à venir

Mais malheureusement il est déjà trop tard. Ces derniers jours nous avons vu se multiplier les témoignages de préparateurs et préparatrices en pharmacie expliquant être confinéEs à la maison à cause de symptômes pouvant présenter un risque. Les langues se délient et chacunE compte les collègues tombéEs malades en croisant les doigts de ne pas être le suivant ou la suivante. Dans l’entreprise où elle se trouve, une préparatrice explique même que l’effectif disposé à travailler est passée de 8 personnes à 5 en quelques jours...Dans un secteur où toute l’année des milliers de postes sont à pourvoir sans trouver personne (dû à un manque de diplôméEs chez les préparateurs et préparatrices et à cause de la reconversion professionnelle de nombreuses et nombreux salariéEs qui en ont marre du manque de reconnaissance professionnelle), on peut rapidement se retrouver avec une pénurie de bras disponibles pour répondre aux besoins dans certains endroits. Il faut ajouter à cela les légitimes prises de congés annuels ou pour garder son enfant. Aujourd’hui, des pharmaciennEs font même appel à des rayonnistes pour gérer les stocks et prioriser le travail des diplôméEs à la dispensation au comptoir.

Dans les prochains jours certaines officines vont devoir gérer une baisse drastique de patientEs, d’autres au contraire une hausse. En tout cas elles ne seront pas toutes logées à la même enseigne. En effet, on peut logiquement imaginer que les pharmacies aux abords des centres commerciaux connaîtront une plus forte activité que celles qui se trouvent en pleine campagne. La limitation des déplacements fera que les gens préféreront faire un seul trajet pour les courses alimentaires et les médicaments, plutôt que deux séparément. Des employéEs sont déjà en temps partiel, d’autres vont voir leurs horaires être aménagés, d’autres dénoncent l’abus de certainEs titulaires qui souhaitent leur imposer des semaines de congés (voire même leur demander d’être disponibles pendant leurs congés en cas de besoin...) et d’autres verront leurs amplitudes horaires diminuer.

Ce sera le cas en Martinique où à partir du lundi 23 mars, toutes les officines devront fermer à 18 h. D’après le syndicat des pharmaciens, cela a pour but d’inciter la population a rester confiner et à protéger les équipes. Mais la diminution des amplitudes horaires fait débat : « Cela ne va-t-il pas augmenter la charge de travail si l’on s’occupe du même nombre de patientEs en moins de temps ? », « Cela ne va-t-il pas surcharger les pharmacies qui commenceront leurs gardes à 18h et qui seront en effectif réduit ? », « N’est-ce pas risqué pour les malades qui subissent déjà un suivi de soins compliqué? »

Des exigences incontournables

En tout cas, peu importe les situations, ça ne doit pas être aux travailleurs et aux travailleuses de payer les pots cassés de cette crise sanitaire. Celles et ceux qui travaillent en officine tout comme l’ensemble des soignantEs font déjà leur maximum pour lutter contre cette pandémie, ils mettent leur vie en danger pour notre bien. Il est important de rappeler qu’on a besoin d’une distribution massive de matériel de protection et de tests de dépistage gratuits. Il faut aussi des milliards pour les hôpitaux, notamment des lits supplémentaires, car lorsqu’une branche de la Santé est attaquée cela a des répercussions sur les autres. Il faut faire respecter le droit de retrait pour touTEs les salariéEs, une indemnisation intégrale à hauteur du salaire en cas de chômage partiel ou de confinement et bien sûr l’interdiction des licenciements et des suppressions d’emploi.

Enfin, plus que jamais, il est primordial de revendiquer la mise sous contrôle public des industries produisant le matériel médical avec des recrutements massifs sous statut.