Publié le Lundi 7 mars 2022 à 11h29.

Macron et le Covid-19, un bilan

À quelques semaines de l’élection présidentielle, la crise sanitaire est redevenue un élément central de la situation. Si le gouvernement tente d’instrumentaliser la situation, en cherchant à se poser comme un pouvoir raisonnable face aux obscurantistes, les entourloupes de Macron et Véran ne doivent pas cacher la réalité de leur désastreuse gestion de la crise.

La montée en puissance du variant Omicron entraine un niveau de contamination jamais atteint et Olivier Véran, le ministre de la santé, doit lui-même admettre un « tsunami ». Plus de 300 000 contaminations sont recensées chaque jour.

Un niveau de contamination jamais atteint

Même si ce variant provoque moins de formes graves, et que la vaccination évite de nombreuses hospitalisations, la puissance de la « vague Omicron » est telle que le système hospitalier, très fragilisé, est au bord de la rupture. Il ne parvient, une nouvelle fois, à accueillir les patients Covid qu’en reportant les soins pour d’autres malades, avec le risque de conséquences graves.

Le 28 janvier la moyenne quotidienne de morts liées au Covid, dans le pays, était de 262, chiffre jamais atteint depuis le début de la pandémie. La barre des 130 000 morts liées au virus a été dépassée.

Macron a dû se rendre à l’évidence. La pandémie pèsera sur la campagne électorale et sur le résultat du scrutin. Ses discours d’autosatisfaction ne suffiront pas à convaincre des électeurs las de deux ans d’une crise, dont, malgré ses promesses, ils ne voient pas le bout. L'exaspération s'est exprimée le 13 janvier par la grève massive des enseignantEs, soutenue par les parents d'élèves, contre la gestion calamiteuse, méprisante, incompréhensible et irresponsable de la crise dans les établissements scolaires par le ministre Blanquer.

Sous couvert de la crise, l’offensive gouvernementale

Appliquant le principe que la meilleure défense est l’attaque, le président-pas-encore-candidat a décidé de passer à l’offensive sur le front sanitaire. Lors d’un entretien soigneusement relayé dans les médias, il a déclaré avoir « très envie d'emmerder les non-vaccinés », un non-vacciné étant considéré par lui comme un « irresponsable » qui « n’est plus un citoyen ». Ces déclarations sont, Macron le sait, totalement contre-productives sur le plan sanitaire. Elles auront pour effet d’éloigner encore un peu plus de la vaccination ceux qui n’en sont pas convaincus. Elles n’ont d’autre motivation qu’une stratégie électorale de bas étage, car en s’en prenant avec virulence aux non-vaccinés, Macron poursuit un double but :

1) Il désigne un bouc émissaire à la vindicte publique, et essaie de détourner ainsi l’attention de ses propres responsabilités, de ses choix politiques et de leurs conséquences au cours des deux dernières années.

2) Il tente de rallier électoralement à lui, celles et ceux qui espèrent, par la vaccination, en finir avec la crise. Il cherche ainsi à rééditer la stratégie qui lui a réussi, lors de son élection, il y a cinq ans. Le choix était alors entre le « progressiste » Macron et l’extrême droite. Il serait aujourd’hui entre ceux qui veulent, avec Macron, sortir de la crise par la vaccination et les obscurantistes antivaccin.

Une autre stratégie est possible

Le « Conseil d’analyse économique », organisme dépendant du Premier ministre, a été mis a contribution pour étayer la justesse de la stratégie présidentielle en « démontrant » que le pass sanitaire avait à la fois permis de sauver 4 000 vies et de faire progresser la croissance de 0,6%, à cela près que l'étude compare la politique de l’exécutif… à l'absence de toute politique, et ne « prouve » donc rigoureusement rien.

L’argumentation de l’exécutif pour justifier ses choix, repose sur une double affirmation :

1) Sa politique aurait été la meilleure possible à chaque étape de la crise.

2) Les difficultés rencontrées, telles que l'épuisement de l’hôpital public, seraient dues aux décisions des gouvernements précédents. Le pouvoir tente de les corriger, mais pour y parvenir, il faut du temps (... et donc réélire E. Macron).

Depuis le début de cette crise, le NPA défend au contraire l’idée qu'il existait et qu'il existe toujours d'autres moyens pour combattre la pandémie et qu'en faisant autrement on pouvait et on pourrait faire beaucoup mieux. Mais cela nécessiterait de rompre avec les choix de classe de l'exécutif qui consistent à :

• considérer la santé comme un « coût » qui doit être réduit le plus possible ou confié à des intérêts privés, et non comme un bien commun mis à la disposition de tous.

• donner la priorité aux profits sur la santé en faisant tourner à tout prix « l'économie »

• gérer la crise sanitaire à coup d’injonctions autoritaires et de sanctions et non en s'appuyant démocratiquement sur la mobilisation de la population.

Qu’elles viennent du parti socialiste ou de la droite (« républicaine » ou extrême), la plupart des critiques faites à l’exécutif se limitent à dénoncer « l’incompétence » ou « l’amateurisme » de celui-ci sans proposer de réelle alternative. C'est que sur le fond, ces forces partagent les mêmes postulats politiques que la Macronie. Il est par exemple très difficile pour le PS ou LR de dénoncer le manque dramatique de moyens du système hospitalier, quand Macron n’a fait que poursuivre et aggraver ce qu’avaient fait avant lui N. Sarkozy et sa ministre Bachelot ou F. Hollande et sa ministre Touraine. Les échecs et les impasses de la politique sanitaire de l'exécutif sont pourtant évidents, même s’il faut leur opposer les alternatives possibles.

L’impréparation initiale et ses causes

Alors que l’épidémie se développe en Europe, la ministre de la Santé Agnès Buzyn déclare le 14 février 2020 : « nous sommes prêts ». La réalité est tout autre. Après le VIH, les épidémies H5N1 H1N1 SRAS Ebola et Zika, les scientifiques et les institutions internationales insistaient sur la grande probabilité d’une nouvelle pandémie. Cela n’empêcha pas l’exécutif français pour des raisons d’économies budgétaires, de ne pas renouveler les stocks stratégiques de masques (50M d’€) et de tenter de dissimuler ensuite ces carences en déclarant les masques « inutiles » voire « dangereux ».

En ce début d’année 2020 la lutte contre le Covid est loin d’être une priorité du pouvoir : celui ci entend d’abord faire adopter au forcing sa contre-réforme des retraites contestée dans la rue

depuis deux mois. Le premier conseil des ministres consacré à l’épidémie décidera d’une procédure d’urgence… pour faire voter en catastrophe par le parlement la réforme des retraites. L’autre priorité du pouvoir est la préparation des élections municipales : alors que la « tempête » Covid commence à souffler, la ministre de la Santé quitte le navire sur décision d’E. Macron pour conduire la liste de la majorité présidentielle à Paris.

Enfin et surtout, le système hospitalier, victime de l’austérité budgétaire, n’est pas prêt à faire face. Tout au long de l’année 2019, les services d’urgence suivis par l’ensemble du monde hospitalier avaient fait grève et manifesté pour dénoncer le manque de personnel, la saturation des services, sans aucune réponse à la hauteur des besoins. En janvier 2020, mille chefs de services hospitaliers démissionnent pour faire entendre symboliquement la détresse de l’hôpital, sans que cela émeuve le pouvoir.

O. Véran, l’actuel ministre de la santé, tente aujourd’hui de réécrire l’histoire, en essayant de reporter la responsabilité du manque de moyens à l’hôpital sur les gouvernements précédents. Il semble oublier que les restrictions budgétaires furent non seulement poursuivies mais aggravées pendant les deux premières années du quinquennat de Macron. Sur les 3 milliards « d’économies » par an sur la santé (assurance maladie) prévus entre 2017 et 2022 la moitié concernait l’hôpital. Les frais de personnel représentant plus de 70 % de ces dépenses, ils en ont été la principale « variable d’ajustement ».

Quant à la promesse renouvelée d’en finir avec « hôpital entreprise », et son management destructeur, elle n’a, cinq ans plus tard, reçu aucun début d’application.

À l’hôpital : la continuité, en pire

En pleine première vague, E. Macron déclarait, comme s’il avait brusquement ouvert les yeux : « Ce que révèle déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe […]. Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ». Ces propos furent aussi vite oubliés que prononcés et le naturel reprit ses droits. La politique du pouvoir a consisté, à l’inverse des paroles présidentielles, à poursuivre l’austérité budgétaire et la privatisation du système de santé, malgré la mobilisation des personnels soutenus par un fort mouvement populaire au sortir du premier confinement (mai juin 2020).

Face aux exigences de moyens supplémentaires massifs pour l’hôpital, le pouvoir a dû lâcher un peu de lest sur les revendications salariales (183 €) et accorder une révision des grilles de rémunération, loin toutefois des 300 € revendiqués pour toutes et tous. Mais lors du « Ségur de la santé » (juillet 2020), il ne céda rien sur l'essentiel : la formation et l’embauche massive de personnel indispensables pour sortir l’hôpital de la crise et répondre aux besoins. Les restructurations, regroupements et fermetures de services hospitaliers se sont poursuivies.

5 700 lits furent supprimés en 2020. Quant à l’étau insupportable du management d’entreprise, un instant desserré, il se referma vite.

Les personnels, de plus en plus épuisés et écœurés, ne voyant arriver aucune amélioration de leur sort, ont commencé à quitter l’hôpital. Ces départs ne sont pas remplacés par de nouvelles générations, peu attirées par des salaires encore très bas, des conditions de travail insupportables, et une déshumanisation de leurs métiers. Le mouvement a atteint une telle ampleur qu’à l’automne 2021, selon une enquête du président du Conseil scientifique

J.-F. Delfraissy, 20% des lits étaient fermés dans les grands hôpitaux publics, faute de personnel.

Inverser la tendance supposerait d’engager (et donc de financer) un plan massif de formation et d’embauche, et pour cela de rompre avec l’austérité budgétaire. Faire de la santé une priorité et non un « coût ou une charge », n’est pas plus dans les projets de Macron aujourd’hui, qu’il ne l’était hier.

Leurs profits, avant nos vies

La lutte contre la pandémie ne consiste pas seulement à soigner les personnes touchées par le virus, elle commence par essayer de prévenir la diffusion du virus. Sur ce terrain, le bilan de l’exécutif n’est pas meilleur. Sa « stratégie » a consisté à alterner le « laisser faire », pour assurer le plus possible la continuité de la production capitaliste, et les contraintes autoritaires (confinement, couvre-feu, restrictions aux déplacements, fermeture de magasins ou de lieux de culture), afin de tenter de limiter le développement de l’épidémie, quand celle-ci menaçait de submerger le système de santé. C'est ce qu’il fut convenu d’appeler le « stop and go ».

Loin d’une priorité effective donnée à la santé, ce « stop and go » a visé à rendre supportable et socialement acceptable la continuité de la production et des profits. D’une part, les « premiers de corvée » devaient, quoi qu’il en coûte pour leur santé, continuer d’aller au travail et prendre les transports. Leurs enfants devaient à tout prix trouver des collèges et des écoles ouvertes, moins pour apprendre que pour permettre à leurs parents d'aller au travail. Mais « en même temps », pour limiter la circulation du virus, la vie sociale « hors travail » devait être limitée au strict minimum.

Au lieu de construire, avec celles et ceux qui sont sur le terrain, des règles de protection efficaces et intelligentes, et pour cette raison acceptées, ce pouvoir arrogant, qui méprise les « gens de rien », a imposé des règlements aussi péremptoires que changeants et de plus en plus incompréhensibles. Il a ainsi nourri une exaspération et un refus de toute règle de protection et ouvert ainsi la voie aux manipulations des courants complotistes et d’extrême droite.

Il en fut de même après la grande avancée qu’a constituée la découverte et la production de vaccins. Promouvoir et réussir la vaccination était et reste un impératif indispensable, même si l'apparition de nouveaux variants en réduit l'efficacité. Mais une nouvelle fois la méthode du pouvoir ne fut pas la bonne. Faute d'avoir réquisitionné l'industrie pharmaceutique pour répondre aux besoins, le démarrage de la campagne fut lent et chaotique.

Au début de l'été, pris à la gorge par la montée rapide du variant delta, Macron, qui avait déclaré en décembre 2020 « je ne crois pas à la vaccination obligatoire pour ce vaccin. Je crois beaucoup plus au travail de conviction par la transparence qu’à l’obligation1 », imposa l'obligation vaccinale pour tous les métiers en contact avec le public, à commencer par les hospitaliers. Il généralisa le « pass sanitaire » après avoir déclaré quelques semaines plus tôt que celui ci ne serait « jamais un droit d’accès qui différencie les Français. Il ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis ». L’état d’urgence « sanitaire » fut une nouvelle fois prolongé et restera en vigueur jusqu'en juillet 2022.

Incapable de convaincre, faute d'avoir mis en place ou soutenu des équipes ayant la confiance, le pouvoir n'a trouvé d'autre solution que de durcir sa politique répressive vis-à-vis des non-vaccinés, en remplaçant aujourd'hui le « pass sanitaire » par un « pass vaccinal », forme hypocrite de l'obligation. Avant d'être liberticide, cette gestion est d'abord inefficace sur le plan sanitaire : les chiffres brandis ne peuvent masquer son échec à gagner à la vaccination celles et ceux qui en ont le plus besoin. Il reste plus de 4,6 millions de non-vaccinéEs en France et, parmi eux, 12,1 % de plus de 80 ans. Et les centres de vaccination étaient loin de faire le plein à 15 jours de la mise en application du « pass vaccinal ».

Ni levée des brevets ni réquisition de l'industrie pharmaceutique

L'obligation vaccinale inefficace en France, s'est accompagnée pour E. Macron de l'absence de toute volonté d'aider à une vaccination universelle, seul moyen pourtant de mettre fin à la pandémie et d'éviter l'émergence périodique de nouveaux variants.

À part quelques déclarations de circonstances, E. Macron s'est refusé à toute action efficace pour lever les brevets sur les vaccins et permettre ainsi aux pays du Sud d'accéder à la vaccination. Il persévère aujourd'hui alors qu'il vient d'accéder à la présidence de l'Union européenne. La contribution dérisoire de la France au mécanisme Covax, a consisté avant tout à se débarrasser de vaccins devenus inutilisables, voire parfois aux limites de la péremption, loin des besoins des pays concernés.

Quant à la réquisition d'une industrie pharmaceutique dont les profits explosent, financés par de l'argent public, il n'est pas question pour le « président des riches » de l'envisager.

Tracer une alternative

C'est l'exigence d'une politique alternative que nous entendons rendre audible avec la campagne de Philippe Poutou : celle d'une lutte efficace contre la pandémie, par la rupture avec une société fondée sur la rentabilité, la course aux profits, l’appropriation des richesses par une minorité.

Elle consiste à faire de la santé un bien commun, en sortant du marché le système de santé qui doit être intégralement public, financé intégralement par la sécurité sociale. Les entreprises produisant les biens médicaux à commencer par les médicaments ou les vaccins doivent être socialisées et les brevets supprimés. Il s'agit également de promouvoir la santé publique et communautaire avec la participation active de la population à la gestion de sa santé, le service public agissant non pas « à côté » mais avec elle et sous son contrôle.

Une politique alternative consisterait à instaurer le contrôle ouvrier sur les conditions de travail (masques et tests gratuits, réduction du temps de travail, embauches, télétravail sous contrôle des salariéEs, pour des jauges adaptées, garantie des revenus). Dans l'éducation, il faut embaucher pour dédoubler classes, amphis, TD.

Il s'agit enfin de promouvoir une vision solidaire et internationaliste de la santé, loin des impasses égoïstes du nationalisme sanitaire et vaccinal, autant d'exigences qui préfigurent une société fondée sur la solidarité, faite pour et par celles et ceux qui produisent ses richesses.

  • 1. 1) Interview à « Brut ».