Publié le Mardi 16 janvier 2018 à 11h09.

Rennes : une première victoire au CHGR…

Entretien. Pendant sept semaines, les salariéEs de l’hôpital psychiatrique se sont mobiliséEs. Nous faisons le point avec Anne et Jacques, de Sud Santé.

Quelles sont les origines de votre mouvement ?

Ce qui nous a alertés, c’est l’explosion du nombre de salariéEs nous sollicitant pour des accompagnements individuels. Souvent des contractuelEs, avec des contrats de plus en plus courts : suspensions de contrat, non-­renouvellement suite à un congé maternité. Des restructurations, la mise en place de nouveaux projets, ont entraîné la remise en cause d’équipes fonctionnant bien. Face aux résistances, la direction a multiplié intimidations, convocations individuelles voire conseils de discipline. Ce management a engendré une grande souffrance au travail. La suppression de 5 RTT en 2015 avait déjà entraîné une dégradation des conditions de travail, provoquant de l’épuisement, une augmentation de l’absentéisme, une situation explosive. Il nous est apparu comme une urgence de recréer du collectif. De pouvoir unir les luttes pour sortir les agents de souffrances isolées.

Comment passe-t-on de ce constat aux revendications ?

Suite au rapport de la médecine du travail qui a mis en évidence un haut niveau de risques psychosociaux, l’apparition de tendances suicidaires, nous avons demandé l’élargissement du pool de remplacement (15 ETP supplémentaires), afin d’éviter les situations où unE salariéE se retrouve seul, la nuit, dans un service de 20 résidentEs. Nous avons aussi exigé l’ouverture d’une unité supplémentaire de 20 lits : le taux d’occupation du centre hospitalier est supérieur à 100 % ! Des patientEs admis à l’hôpital doivent attendre l’attibution d’une place, changer une ou plusieurs fois d’unité (jusqu’à 8 fois !), parfois même en pleine nuit ! Cela provoque des situations de grande tension...   

Et comment en arrive-t-on au barnum ?

Voyant la difficulté à réunir les collègues, même pour une heure syndicale, la construction d’un mouvement de masse nous semblait compliquée. Ne pouvant nous résoudre à l’attente, on s’est dit « on y va, on verra... » L’installation d’un barnum à l’entrée a permis de créer un espace d’échange, un lieu de construction de la mobilisation. Occupé 24 heures sur 24 par des grévistes et des collègues en dehors du temps de travail, c’est petit à petit devenu le lieu de l’auto-organisation du mouvement, des temps de réflexion et d’échange, entre nous et avec les personnes extérieures venues nous soutenir. Tous les mardis, une AG réunissait les grévistes, jusqu’à plusieurs centaines. 

Alors, vous avez gagné ?

D’abord, notre mouvement a recréé du collectif, la solidarité en sort renforcée. Le barnum a permis de nombreuses discussions, y compris professionnelles, entre nous. Des patientEs et leurs familles sont passés, et nous ont dit qu’il y avait enfin un lieu où parler… Notre lutte a également suscité l’intérêt des médias locaux puis nationaux, ce qui a provoqué une saine inquiétude au ministère. Et puis nous avons aussi obtenu une dotation d’environ 1,7 million d’euros. Une somme certes insuffisante, mais c’est un premier résultat significatif. Par contre, la direction n’a aucunement répondu à nos préoccupations liées aux conditions de travail, à la souffrance au travail et au management...

Comment continuer ?

Cette semaine, nous avons décidé de maintenir notre barnum. Nous allons rencontrer la direction et lui dire que nous voulons contrôler l’utilisation de l’argent que notre lutte a permis d’obtenir. La lutte doit continuer et, pour gagner contre l’austérité, il faudra un cadre beaucoup plus large. C’est dans cet esprit que nous irons à la coordination « Hôpitaux en lutte », le 23 janvier à Paris, et que nous y proposerons une première journée nationale de mobilisation des hôpitaux.

Propos recueillis par Vincent et Kevin