Un nouveau coronavirus est né sur un marché à Wuhan, où malgré les interdictions prises après le SRAS de 2003, sont en vente dans des conditions épouvantables d’hygiène des animaux sauvages destinés à la consommation humaine. Grande biodiversité de l’Asie, proximité sociale et culturelle entre les hommes et les animaux sauvages réservoirs de virus, gigantesques mégalopoles, circulation rapide des hommes et des marchandises, défaillances des systèmes de santé publique, autorités qui détournent les regards de pratiques interdites comme la vente d’animaux sauvages, et une mutation qui permet qu’un nouveau coronavirus saute la barrière des espèces et se transmette à l’homme, menaçant de faire le tour du monde.
La nouvelle épidémie de pneumopathie à coronavirus est apparue à Wuhan en Chine. À la date du 26 janvier, le 2019-nCoV a déjà fait 56 morts, essentiellement chez des personnes âgées et, ou, déjà malades, pour 2116 cas recensés. Trois cas sont recensés en France, tous importés de Chine. Le monde s’inquiète, l’épidémie de SRAS 2003, longtemps niée par le pouvoir chinois, avait tué 800 personnes, pour plus de 8000 cas recensés, en Chine essentiellement, mais aussi à Toronto, Hanoi, Singapour.
Pour l’instant, mais soyons prudent, le taux de mortalité autour de 3,8 % des personnes reconnues infectées, est bien inférieur aux 9,6% du SRAS 2003. On n’a pas encore noté de malade super-épandeur, capable de contaminer à lui seul une centaine de personnes, comme en 2003. Mais les coronavirus sont connus pour muter rapidement.
Pour vaincre le coronavirus, pas d’antibiotique, il ne s’agit pas d’une bactérie. Pas de vaccin ou d’anti-viral efficace. Comme dans toutes les épidémies interhumaines de ce type, l’information diffusée rapidement à l’ensemble de la population, les mesures barrières (masque, lavage des mains), l’isolement des malades, leur transport direct vers les services spécialisés sans passer par des urgences saturées, le suivi rapproché des personnes qui ont été en contact avec les malades pendant au moins les 7 à 14 jours de l’incubation, la protection stricte du personnel médical en contact avec les malades, sont les seuls moyens d’éviter la propagation de la maladie et ainsi d’éteindre l’épidémie.
La diffusion a commencé
À l’opposé de ces exigences, pendant près d’une semaine, le web chinois s’est moqué de l’information officielle sur ce virus qui voyageait en Corée, en Thaïlande, au Japon, où des malades étaient signalés, mais qui en Chine restait bien sagement dans la ville de Wuhan. Mais avec le Nouvel an chinois, qui voit des centaines de millions de chinois voyager pour revenir dans leur ville ou village d’origine, avec un système de santé chinois très inégalitaire, des inégalités ville-campagne très importantes, qui ne font que s’accentuer à mesure qu’on va vers l’ouest, loin des centres de profitabilité du capitalisme chinois, laisser passer cette date sans rien faire, c’était une épidémie hors contrôle massivement disséminée dans tout le pays. C’était perdre le mandat du ciel, qui voit dans les catastrophes naturelles désapprobation de dirigeants peu vertueux. Après donc quelques hésitations, mais qui coutent cher aujourd’hui, Xi Jinping a donc été contraint de prendre les grands moyens. Isoler Wuhan et plus de 60 millions d’habitants, supprimer les grands rassemblements du Nouvel an, interdire les voyages touristiques en groupe. Mais la carte de distribution des cas de coronavirus réalisée par l’Université John Hopkins montre que la diffusion a déjà commencé au reste de la Chine. L’épidémie n’est plus cantonnée à Wuhan et au Hubei. Pour l’instant très peu de cas ont été notés hors de Chine, 54 cas sur 2100.
Selon l’importance que l’on accorde aux dépenses de santé, selon que l’on privilégie la transparence et la santé des populations ou qu’on essaye de protéger d’abord la circulation continue de marchandises et de salariés nécessaires à l’économie capitaliste pour continuer à produire de la valeur, la propagation de l’épidémie, la mortalité parmi le personnel soignant sera très différente, comme l’ont montré les profils très différents de l’épidémie de SRAS de 2003 à… Toronto et à Vancouver.
Systèmes de santé à l’épreuve
Car il n’y a pas qu’en Chine que les dirigeants ont manqué de transparence ! à Vancouver, quand un malade du SRAS arrive de Hong Kong, l’information d’une épidémie de SRAS en Chine est largement connue grâce à un système d’alerte mis en place dans le cadre de la lutte contre la pandémie grippale. Le personnel médical, informé et formé isole le patient en 15 minutes. Aucune nouvelle contamination. À Toronto, à l’arrivée d’un autre malade de Hong Kong, dans des urgences surchargées, sans information des médecins sur une alerte coronavirus, il faudra 21 heures avant que le malade ne soit isolé. Familles de malades infectés, personnels touchés, hôpitaux débordés, chambre d’isolement à pression négative insuffisantes. L’épidémie canadienne commence. Mais il y a pire. Rapidement, tout à leur volonté de limiter les conséquences du SRAS sur le tourisme et l’économie, les dirigeants de Toronto déclarent l’épidémie finie, lèvent les restrictions. Et une deuxième vague de l’épidémie redémarre à Toronto. 252 cas au total ! De même l’OMS, liée par ses financements au bon vouloir des Etats, a été accusée d’avoir réagi trop tard. Dés le 12 mars, la Direction générale de la santé française alertait les voyageurs de retour de Hong Kong. Mais ce n’est que le 2 avril que l’OMS déconseillera les voyages vers Hong Kong où est née l’épidémie. Souvenons-nous aussi qu’en mars 2018, une patiente était morte au CHU de Poitiers, d’une autre maladie très contagieuse, la rougeole, après être passée par des urgences saturées, débordées, sans mesures de prévention, sans distribution de masques aux malades qui attendent dans les couloirs, sans information des personnels. L’Agence régionale de santé avait du reconnaitre que « cinq personnes ont pu contracter la maladie au contact d’un autre patient au CHU de Poitiers ».La grève des urgences ne fait que souligner la grande misère et l’impréparation de notre système de santé.
Sida, coronavirus, ebola, zika, dengue hémorragique. Entre mondialisation capitaliste, réchauffement climatique, mégapoles et systèmes de santé inégalitaires, nous vivons le retour des épidémies. Rien qu’en 2019, l’Asie aura connue plus de d’1,3 million de cas de dengue, saturant les hôpitaux, ponctionnant les ressources des plus modestes. Un nouveau virus est né. Dans un monde global où tout circule plus vite, il sonne comme un rappel pour une solidarité globale, car les virus se rient des frontières, et se développent grâce aux inégalités, aux injustices, à l’absence de pouvoir sur nos vies.