Fin novembre 2017, le CHU de Pointe-à-Pitre (Gouadeloupe) était victime d'un incendie, et avait dû être entièrement évacué. A cette occasion, avait été pointée du doigt l'extrême vétusté du lieu, et les dysfonctionnements dans l'alerte incendie notamment (voir l'Anticapitaliste mensuel n°94). Depuis, une partie de l'hôpital a été rouverte, et le personnel, comme les patientEs, souffrent de la mauvaise qualité de l'air, polluée par des résidus toxiques liés à l'incendie. Morts suspectes, malaises, arrêts maladie en cascade commencent à défrayer la chronique.
Il faut dire qu'il y a de quoi être inquiet : un reportage d'Europe 1 a récemment mis en lumière plusieurs dizaines de morts suspectes depuis l'incendie, dénoncées par les syndicats. Le personnel soignant, infirmières comme médecins, pointent le manque de matériel non remplacé, et les difficultés qu'ils et elles rencontrent à prodiguer leurs soins, avec par exemple des blocs mobiles arrivés sans le matériel pour les faire fonctionner ! Le fait qu'un tiers du personnel soit en arrêt maladie en dit long sur la situation. Sans compter les médecins qui exercent leur droit de retrait.
« Attendre et subir »
Car certains services de l'hôpital ont été rouverts sans que la décontamination n'ait été effectuée complètement : « Nous n'avons jamais vu autant d'experts, d'études, de projets, de statisticiens […] clamer qu'il nous faut attendre et subir », dénonce le collectif de défense de l'hôpital, mis en place récemment et déjà à l'origine de plusieurs manifestations dans la ville de Pointe-à-Pitre.
La climatisation, soupçonnée de propager de l'air vicié à l'origine des malaises et intoxications diverses, a été coupée. Mais la situation n'était évidemment pas tenable avec 40° dans le bâtiment. Du coup, l'hôpital a dû faire ouvrir les issues de secours pour créer des courants d'air, mais a également embaucher des agents de sécurité pour garder toutes ces issues ! On demande aux patientEs d'apporter leur ventilateur, témoignent de nombreux soignantEs. Sans parler des médicaments qu'on leur demande également d'apporter, mais cela se faisait déjà avant l'incendie.
Avenir incertain
Agnès Buzyn, ministre de la Santé, a beau oser déclarer devant l'Assemblée nationale que « le capital santé du personnel n'est pas touché », tout le monde sait que c'est faux. Trois agents ont déjà admis aux urgences pour intoxication, les malaises se multiplient, mais tout cela n'est rien pour la ministre. Une nouvelle directrice de l’Agence régionale de santé (ARS) a été nommée, et son pedigree en dit long : issue du corps des praticiens des armées, « elle est rompue aux situations de crise complexes », indique le communiqué de presse annonçant sa nomination en mars.
Quel avenir pour la population guadeloupéenne ? On parle, du côté du gouvernement, d'une délocalisation partielle pour assainir l'atmosphère. Mais certainEs réclament une délocalisation totale le temps de faire des travaux sérieux de remise en état. En tout cas, de nombreux médecins conseillent à leurs connaissances d'aller en métropole pour se faire soigner. Encore faut-il en avoir les moyens…
Régine Vinon