En décidant, contre l’avis de nombreux scientifiques, d’élus et d’une partie de son gouvernement, de ne pas « reconfiner », Macron prétendait être en capacité de gagner un « pari ». Le 19 février, il évoquait encore, dans une visio-conférence avec des députés de la majorité, un « scénario de résilience » permettant, selon un des participants, de travailler « dès maintenant sur une sortie des dispositifs de contraintes ». Mais en l’espace d’un week-end, la tonalité des déclarations officielles s’est brusquement modifiée.
C’est en effet un tout autre scénario que dessinent depuis plusieurs semaines des chercheurEs et professionnelEs de santé, et que confirme aujourd’hui la réalité du terrain dans des villes comme Dunkerque et Nice, ou dans le département de la Moselle. Le déclin du variant originel du virus s’accompagne, sur certaines parties du territoire, de la rapide montée en puissance de nouveaux variants qui modifient la dynamique de l’épidémie. En une semaine la part de la souche « britannique » est passée de 25 à 36 % dans l’ensemble du pays (à Dunkerque elle est de 72 %) ; les variants « sud-africain » et « brésilien » correspondent désormais à 5 % des cas. Ils ont tous en commun d’être plus contagieux, avec un risque d’emballement et de saturation à court terme du système hospitalier, comme ce fut le cas au Royaume Uni et au Portugal, et d’échapper largement au vaccin d’AstraZeneca pour le variant sud-africain.
Calculs politiciens au mépris de notre santé
Ce risque est déjà perceptible dans les hôpitaux des régions les plus touchées. Des évacuations sanitaires ont dû y être organisées. Les premiers signes apparaissent en Île-de-France où le nombre d’entrées journalières en réanimation est passé de 25 en janvier à 50. Dès le 14 février, une circulaire enjoignait aux agences régionales de santé (ARS) de passer en « organisation de crise » dans toutes les régions, de déprogrammer les actes chirurgicaux non urgents et de mobiliser tout le personnel disponible. Quant à la vaccination à pas de tortue organisée par le gouvernement, elle ne peut, à cette étape, avoir d’effet significatif..
La perspective de « sortie des dispositifs de contraintes », tracée par le président, fait aujourd’hui place à l’annonce de nouvelles mesures d’aggravation des contraintes locales, comme c’est le cas à Nice où la préfecture vient d’ajouter un confinement du week-end aux décisions antérieures. Ce modèle pourrait s’étendre à d’autres régions, préfigurant un nouveau confinement généralisé si la « vague » touche l’ensemble du territoire.
Macron se trouve face à l’impasse de ses choix politiques. Faute de mesures sanitaires et sociales à la hauteur, le gros bâton des mesures répressives est le principal moyen dont il dispose pour agir.
Or il sait que la tolérance aux privations de libertés et à une vie réduite au métro-boulot-dodo s’amenuise. Sous couvert de « pari » il laisse donc la situation évoluer, au risque de nos vies et de notre santé, jusqu’au moment où le confinement s’imposera par la peur. Pitoyable calcul politicien d’un homme qui a déjà les yeux rivés sur la présidentielle de 2022.
Inverser les priorités
Il existe pourtant une alternative à ce « stop and go » des confinements et des mesures répressives.
Elle consisterait à donner la priorité effective et les moyens correspondant à des politiques sanitaires et sociales permettant de faire reculer l’épidémie et d’accélérer l’acquisition de l’immunité collective par une vaccination sûre, transparente et efficace. Les mesures contraignantes ne viendraient, le cas échéant, qu’en appui ponctuel à cette stratégie, et pourraient dans ces conditions être largement acceptées.
Les vraies priorités consisteraient à :
– Donner à l’hôpital les moyens et le personnel pour soigner et non pas continuer de fermer des lits et de réduire les effectifs ;
– Décider démocratiquement, avec les intéresséEs, dans les établissements d’enseignement et sur les lieux de travail et de loisirs, des mesures efficaces pour se protéger, et donner les moyens concrets de les appliquer ;
– Tester, mais aussi remonter les chaînes de contamination et permettre l’isolement rapide et efficace des personnes touchées par le virus, pour éviter sa propagation ;
– Donner à chacunE les moyens de vivre, de se loger décemment, de se soigner ;
– Partager le temps de travail ;
– Réquisitionner les laboratoires pharmaceutiques, en finir avec les « brevets » pour permettre enfin une politique de vaccination à la hauteur des besoins.
C’est à cela que devraient servir les milliards du « quoi qu’il en coûte », mais cela supposerait de ne plus gouverner dans l’intérêt de la minorité et d’imposer une autre répartition des richesses. Seule la puissance d’une mobilisation unitaire et déterminée permettra d’y parvenir.
Rassembler autour de la campagne unitaire sur les vaccins
Le très large arc de forces syndicales, associatives, qui s’est réuni autour de l’appel « Brevets sur les vaccins anti-covid, stop », avec l’objectif concret d’imposer la fin des brevets et la réquisition de l’industrie pharmaceutique, le rassemblement en cours de toutes les composantes des différents appels sur ce sujet, le soutien que leur apportent les forces politiques, doivent permettre de peser, dès les mobilisations du 11 mars et du 7 avril, pour imposer nos priorités sans être à la merci des paris hasardeux et des contraintes insupportables et inefficaces de l’exécutif.