Le suicide le 7 avril de Jean Germain, ex-maire de Tours, a donné lieu à beaucoup de déclarations et d’articles. Tout suicide est dramatique. Mais, sans oublier ce fait, il y a dans notre société deux poids deux mesures, en cette matière comme en d’autres.Beaucoup de suicides de salariéEs ou d’agriculteurs n’ont aucun écho ou presque dans les médias. Fin mars dernier, la CGT de l’usine Constellium à Issoire donnait un chiffre effrayant : sept suicides et une tentative ces quatre dernières années sur le site, dont le dernier au début du mois. La CGT évoquait notamment le premier cas de cette « série » noire : un jeune ingénieur qui s’est jeté dans un four de l’usine en mai 2011.
Comptabiliser avec précision le nombre total de suicides survenus sur un lieu de travail est un exercice impossible aujourd’hui en France. Quantifier le nombre de suicides liés à un problème professionnel (et qui n’ont pas tous lieu dans les locaux de travail) est encore plus difficile. « Pourtant le phénomène semble avoir pris une grande ampleur ces dernières années », souligne le rapport publié en novembre 2014 de l’Observatoire national du suicide. D’après les données de la CNAM-TS (caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés), une cinquantaine de décès par suicide font annuellement l’objet d’une déclaration par les ayants droit au titre des accidents du travail et environ la moitié est reconnue comme tels (c’est-à-dire qu’il y a lien avec l’activité professionnelle).
Selon certaines études, le nombre réel des suicides lié au travail serait beaucoup plus élevé. Parfois, pour les familles, faire reconnaître le caractère professionnel d’un suicide est un véritable parcours d’obstacles. Par ailleurs, la CNAM ne couvre pas les agriculteurs et ouvriers agricoles chez lesquels les suicides sont nombreux. Et même une fois obtenue une décision favorable de la CNAM, les entreprises exercent des recours, comme Thalès qui s’est battu jusqu’à la Cour de cassation pour être exonéré, au début de ce mois, de toute responsabilité dans le suicide d’un salarié de son site toulousain en 2008.