Les effets de la « T2A » sur la pratique médicale... Dès lors que l’enveloppe reçue par les hôpitaux se décide en fonction de l’activité de l’établissement, l’administration va forcément faire pression sur les médecins en vue de faire augmenter l’activité et surtout optimiser en termes de « points » cette activité.
On en arrive à une situation absurde qui pousse à la dépense, puisque plus un patient « coûte » cher, plus l’hôpital touchera l’année suivante. C’est la « valorisation des soins ». Ainsi, la production d’actes ne cesse d’augmenter (alors que les effectifs diminuent, forcément au détriment de la qualité des soins !) et les décisions thérapeutiques sont influencées par une perpétuelle menace budgétaire.Lors des Commissions médicales d’établissement (instances regroupant des médecins élus consultés sur les décisions touchant à l’organisation de l’hôpital), la présentation de l’activité, service par service, occupe désormais une place prépondérante. On y distribue les « bons » et les « mauvais » points en fonction de l’activité et de la durée moyenne de séjour (DMS, le nombre moyen de jours d’hospitalisation rapporté à une pathologie donnée, au plan national). Une DMS est donc un nombre « optimal » de jours d’hospitalisation : plus on s’en éloigne, plus on perd des points. Ainsi, le nombre de jours d’hospitalisation optimal pour une appendicite simple est de 4,75. Pour un accouchement classique, c’est 2 jours...
Le ver est dans le fruit…Autant la présence de comorbidités (présence d’un ou de plusieurs troubles associés) est un moyen de « valoriser » l’activité et de faire grimper la DMS, autant la dimension sociale (par exemple la précarité) ne compte pas comme une comorbidité susceptible d’influencer la DMS. On ne devrait donc pas garder hospitalisé un patient plus longtemps pour un motif social. Dans le domaine des soins palliatifs (où le plus souvent la sortie d’hospitalisation correspond au décès du patient), la DMS de base est de 14 jours. Il n’est pas très « rentable » de prendre le temps de mourir…La pratique médicale s’adapte aux contingences budgétaires. Nous sommes loin de la doctrine qui prônait « le meilleur soin au meilleur coût », loin de l’approche clinique, tant valorisée par nos aînés et du temps passé (perdu) à l’interrogatoire des patients. Désormais, on pousse à la prescription d’examens complémentaires plus coûteux mais plus rémunérateurs pour les établissements, ce qui va finir par ruiner notre système de service public de la santé au profit du privé, cela avec la bénédiction de l’Agence régionale de santé.
JL